« Ayant repris la tête de la France, j’ai […] décidé en son nom de suivre un chemin nouveau. Ce chemin conduit non plus au gouvernement de l’Algérie par la métropole française mais à l’Algérie algérienne. Cela veut dire une Algérie émancipée où c’est aux Algériens  qu’il appartient de décider de leur destin, où les responsabilités algériennes seront aux mains des Algériens et où […] l’Algérie, si elle le veut, pourra avoir son gouvernement, ses institutions et ses lois. L’Algérie de demain, telle qu’elle sera décidée par l’autodétermination peut être faite ou bien avec la France ou bien contre la France, et celle-ci […] ne  fera  aucune opposition à la solution, quelle qu’elle soit, qui sortira des urnes. Si cela devait être la rupture hostile, eh bien, nous ne nous acharnerions certainement pas à vouloir rester auprès de gens qui nous rejetteraient ni à engouffrer dans une entreprise sans issue et sans espoir nos efforts et nos milliards dont l’emploi est tout trouvé ailleurs. Nous laisserions à elle-même l’Algérie, tout en prenant, bien entendu, les mesures voulues pour sauvegarder ceux des Algériens qui voudraient rester Français et, d’autre part, nos intérêts. »

Titre : Allocution télévisée du 4 novembre 1960

Source : Charles de Gaulle, Discours et messages, tome 3, Paris, Plon, 1970

© Plon, 1970

Présentation

Une nouvelle fois, le général de Gaulle utilise la télévision pour informer l’opinion des évolutions de sa politique algérienne. Il livre ici, depuis son bureau de l’Elysée, sa vision d’une « Algérie algérienne », neuf mois après avoir prononcé cette expression pour la première fois, lors d’une visite aux unités combattantes (la « tournée des popotes », 3-5 mars 1960).

Contextualisation

Après l’Indochine (1954), la Tunisie et le Maroc (1956), l’Afrique noire française est en train d’accéder à l’indépendance. Tandis que la pression internationale s’accroît et malgré les succès de l’armée française, une « République algérienne » paraît inéluctable, ce qui exaspère le ressentiment des pieds-noirs.

Analyse

La francisation, qui était encore une possibilité l’année précédente, est désormais exclue. Le mot d’indépendance n’est certes jamais prononcé, mais la description que fait le général de Gaulle de ce que pourrait être « l’Algérie de demain » est désormais tout à fait claire : un pays indépendant détenteur d’une totale souveraineté. L’autodétermination sur laquelle les citoyens de la métropole et de l’Algérie auront à se prononcer deux mois plus tard ne peut plus aux yeux de De Gaulle laisser subsister un quelconque lien institutionnel entre les deux pays. Le Général endosse clairement la responsabilité de cette inflexion majeure : « J’ai décidé [au nom de la France] de suivre un chemin nouveau ». Conformément à la lecture qu’il fait des nouvelles institutions, c’est bien lui en tant que président de la République qui peut seul mener la politique qui permettra à la France de sortir du bourbier algérien. A ce titre, l’échec de la semaine des barricades (24 janvier-1er février 1960) a montré les limites de l’action des tenants de l’Algérie française face à un pouvoir beaucoup plus stable que la IVe République. L’épisode a paradoxalement conforté de Gaulle et lui a donné une plus grande latitude d’action pour hâter la fin du conflit.

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie

Guy Pervillé, « Le jour où de Gaulle a décidé l’indépendance de l’Algérie », L’Histoire, n° 134, p. 30.

Sitographie

http://fresques.ina.fr/de-gaulle

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