7 août 1914.

Ma bien chère Maman,
Nous voici en pleine campagne, pleins d’entrain et de confiance. Les troupes sont absolument admirables.
Vous devez être bien sevrés de nouvelles car il me semble que l’état-major de l’armée arrête toute espèce de renseignements militaires. Quant à moi, je n’ai aucune lettre de vous ni de personne depuis le 1er août.
Nous sommes actuellement aux environs de Mézières. Mais notre destination est inconnue.
Mille baisers à vous et à tous.

Titre : De l’excitation du départ…

Source : Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets, tome 1 1905-1918, Paris, Plon, 1980, pp. 78-79

© Plon, 1980

Présentation

Cette lettre de De Gaulle à sa mère est extraite des notes personnelles que le Général compile tout au long de sa vie. Celles-ci sont éditées entre 1980 et 1997 grâce au concours de son fils, l’amiral Philippe de Gaulle.

Contextualisation

Suite à l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, à Sarajevo le 28 juin 1914 par un nationaliste serbe, la tension monte entre les puissances européennes : chacune rejette sur l’ennemi la responsabilité du déclenchement d’un conflit. Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France.

Analyse

Depuis le 2 août 1914, le lieutenant de Gaulle a rejoint les armées du nord-est où il sert au 1er bataillon du 33e régiment d’infanterie. Il rend compte dans cette lettre de l’état d’esprit qui habite les soldats français avant leurs premiers contacts avec les Allemands en août 1914.

L’annonce de la mobilisation générale est dans un premier temps accueillie par la population française avec « de la stupeur, de l’inquiétude, de la tristesse et du fatalisme » (Jean-Yves Le Naour). Puis ces sentiments laissent la place à une résolution à combattre (« entrain et confiance »). La troupe, comme l’opinion publique, pense que tout sera terminé à Noël et peut être même qu’elle sera de retour pour finir de rentrer les moissons. D’autres témoignages ont même montré de l’enthousiasme parfois à partir à la guerre. Marc Bloch décrit sa section qui perçoit cette entrée en guerre comme une découverte du pays, presque des vacances…

De Gaulle mentionne aussi la censure à laquelle les lettres de soldats sont déjà soumises par le haut commandement français. Dès le 3 août, il s’agit de ne rien dévoiler d’important à l’ennemi. Quelques semaines plus tard, il s’agira de cacher l’aspect meurtrier des combats pour empêcher la démoralisation de la population. Le général Joffre, chef d’état-major, prend ses décisions en totale souveraineté dans les zones de combat, sans en référer au ministre de la Guerre ou au président du Conseil.

De son côté, en ces circonstances exceptionnelles, le gouvernement s’arroge tous les pouvoirs concernant la direction du pays (Pierre Renouvin parle de « quasi dictature »).

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie

Jean Jacques Becker, La première guerre mondiale, Paris, Belin, 2003.

Jean Yves Le Naour, 1914, la grande illusion, Paris, Perrin, 2012.

Sitographie

http://www.charles-de-gaulle.org/espace-pedagogie/

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