Je déclare qu’à partir d’aujourd’hui la France entière considère que dans toute l’Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. […]

Français à part entière, dans un seul et même collège, […] les dix millions de Français d’Algérie auront à décider de leur propre destin. […] Leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres. […]

Avec [leurs] représentants élus, nous verrons comment faire le reste.

Ah ! Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration, tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels !

Puissent-ils même y participer ceux qui, par désespoir, ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu’il est courageux […] mais qu’il n’en est pas moins cruel et fratricide.

Moi, de Gaulle, j’ouvre à ceux-là, les portes de la réconciliation.

Jamais plus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’ai compris combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux la France !

Titre : Discours du général de Gaulle à Alger (4 juin 1958)

Source : Charles de Gaulle, Discours et messages, tome 3, Paris, Plon, 1970

© Plon, 1970

Présentation

A peine investi comme président du Conseil, de Gaulle entame un voyage de deux jours en Algérie. A Alger, il parle depuis le balcon du Gouvernement général, immeuble de l’administration coloniale. En face de lui, le Forum accueille un demi-million d’Algérois enthousiastes, notamment des pieds-noirs venus acclamer celui qu’ils ont contribué à faire revenir au pouvoir.

Contextualisation

En Algérie, les « événements » font rage depuis près de quatre ans. La IVe République a échoué à y rétablir l’ordre, et le blocage des institutions depuis la prise du Gouvernement général par les activistes de l’Algérie française, le 13 mai 1958, a amené une majorité des députés français à investir de Gaulle, retiré à Colombey-les-Deux-Eglises depuis douze ans, président du Conseil.

Analyse

De Gaulle reconnaît l’égalité électorale, qui avait toujours été refusée aux musulmans – le statut de 1947 donnait ainsi beaucoup plus de poids au collège des citoyens français qu’à celui des musulmans. L’idée du collège unique n’est pas nouvelle : elle a fait l’objet d’une très timide loi-cadre en janvier 1958. En juin 1958, les pieds-noirs, d’abord hostiles, s’y sont finalement ralliés car le collège unique est la condition du maintien de l’Algérie dans le giron français. Pour les Européens, le programme esquissé est l’intégration de l’Algérie à la France, dans le respect de ses différences et avec, pour tous ses habitants, les mêmes droits et les mêmes devoirs. Mais le Général ne prononce jamais ce mot d’intégration, afin de ne se lier à aucune faction. Son discours, très fédérateur, reste assez ambigu, à l’image de la formule initiale (le célèbre : « Je vous ai compris ! »). En outre, de Gaulle tend la main aux combattants indépendantistes de l’Armée de libération nationale, dont il reconnaît le « courage » et à qui il offre la « réconciliation » (il appellera en octobre à la « paix des braves »). Il s’oppose ainsi déjà nettement aux ultras de l’Algérie française qui ne voient de solution que dans l’écrasement du FLN.

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie

Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. Tome 2 : Le renouveau, Paris, Plon, Paris, 1971.

Jean Lacouture, De Gaulle. Tome 2 : Le Politique, Paris, Seuil, 1985.

Sitographie

http://www.ecpad.fr/le-discours-du-general-de-gaulle-a-alger-le-4-juin-1958/

http://fresques.ina.fr/de-gaulle/liste/recherche/discours%20du%204%20juin%201958/s#sort/-pertinence-/direction/DESC/page/1/size/10

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