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« De Gaulle serait-il un dictateur ? [
] Qu’est-ce que la Ve RĂ©publique sinon la possession du pouvoir par un seul homme dont la moindre dĂ©faillance est guettĂ©e avec une Ă©gale attention par ses adversaires et par le clan de ses amis ? Magistrature temporaire ? Monarchie personnelle ? Consulat Ă  vie ? pachalik ? Et qui est-il, lui, de Gaulle ? duce, fĂŒhrer, caudillo, conducator, guide ? A quoi bon poser ces questions ? [
] J’appelle le rĂ©gime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est Ă  cela qu’il ressemble le plus, parce que c’est vers un renforcement continu du pouvoir personnel qu’inĂ©luctablement il tend, parce qu’il ne dĂ©pend plus de lui de changer de cap. »

Titre : François Mitterrand, Le coup d’Etat permanent, réédition 1993, pp. 98-99
Source :
Paris, Plon, 1964

Présentation

Le Coup d’Etat permanent regroupe des Ă©ditoriaux, parus de 1962 Ă  1964, de François Mitterrand dans Le courrier de la NiĂšvre, dĂ©partement dont il est dĂ©putĂ© depuis 1946. Le livre contribue Ă  souder autour de son auteur la gauche dĂ©mocratique antigaulliste, puis le PC, lors de la prĂ©sidentielle de 1965.

Contextualisation

Deux ans aprĂšs le rĂ©fĂ©rendum permettant l’élection du prĂ©sident de la RĂ©publique au suffrage universel direct, François Mitterrand, opposant de la premiĂšre heure Ă  la Ve RĂ©publique,  propose un bilan critique de l’exercice du pouvoir par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle.

Analyse

François Mitterrand reproche au GĂ©nĂ©ral d’avoir profitĂ©, voire d’avoir attisĂ© en sous-main, des troubles Ă  Alger Ă  partir du 13 mai 1958 qui ont conduit Ă  son retour au pouvoir : « [En 1944] le gĂ©nĂ©ral de Gaulle [
] avait Ă  ses cĂŽtĂ©s deux compagnons : l’honneur et la patrie. Ses compagnons d’aujourd’hui [
] s’appellent le coup de force et la sĂ©dition. » (Mitterrand Ă  l’AssemblĂ©e nationale le 1er juin 1958, citĂ© dans Jean Lacouture). Le dĂ©putĂ© de la NiĂšvre est attachĂ© Ă  la prĂ©dominance du lĂ©gislatif sur l’exĂ©cutif : en cela, il est bien un homme de la IVe RĂ©publique dont il fut onze fois ministre.

 Mitterrand critique aussi l’étendue des pouvoirs que la Constitution de la Ve alloue au prĂ©sident : possibilitĂ© d’obtention des pleins pouvoirs, soumettre un rĂ©fĂ©rendum, facilitĂ© de dissolution de l’AssemblĂ©e nationale. De 1958 Ă  1964, de Gaulle a progressivement fait usage de ces prĂ©rogatives : d’oĂč ce « renforcement continu du pouvoir personnel » du prĂ©sident que dĂ©nonce « le Rastignac de la NiĂšvre » (de Gaulle).

Quoi de plus percutant alors que la dĂ©mesure pour faire passer son message ? (« duce, fĂŒhrer »).  Jean Lacouture parle mĂȘme de « vulgarité » de la part du « guĂ©rillero de l’antigaullisme ».

MalgrĂ© ses attaques, François Mitterrand partage pourtant, sur le fond, certaines idĂ©es. Notamment celle de faire Ă©lire le prĂ©sident au suffrage universel direct, bien qu’il ait fait partie des opposants Ă  la voie choisie – le rĂ©fĂ©rendum – pour l’adopter.

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie

Jean Lacouture, Mitterrand, une histoire de Français. Tome 1 : Les risques de l’escalade. Paris, Points Histoire, 2006, [Paris, Seuil, 1998].

Jean Lacouture, De Gaulle, t. 2 le politique, Paris, Seuil, 2010, [1985].

Jean Lacouture, De Gaulle, t. 3 le souverain, Paris, Seuil, 2010, [1986]

RenĂ© RĂ©mond, Etait-il jaloux de De Gaulle ? Dans L’Histoire, avril 2001, pp 48-49.

Michel Winock, François Mitterrand, Paris, Gallimard, 2015.