Extraits des actualités cinématographiques présentant des meetings de De Gaulle en 1947

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Extrait : Discours du général de Gaulle à Bruneval (1’02)

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Extrait : Discours du général de Gaulle à Strasbourg (1’46)

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Extrait : Discours du général de Gaulle à Vincennes (0’39)

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Présentation

Ces trois extraits de reportages d’actualités cinématographiques réalisés lors de déplacements et de prises de paroles du général de Gaulle en 1947 (à Bruneval, le 30 mars ; à Strasbourg, le 6 avril ; à Vincennes, le 5 octobre) illustrent assez bien l’intense activité politique qu’il conserve au cours de cette année-là, signe que l’expression « traversée du désert » est loin d’être justifiée. Les prises de vue des foules venues écouter le grand orateur et le héros de la Libération sont, à ce titre, tout à fait évocatrices. Le premier extrait est issu des archives de l’Ina et reprend un reportage réalisé pour Éclair Journal. Le deuxième extrait vient quand à lui du Pathé Journal, et a été diffusé dans les salles obscures à partir du 16 avril 1947. Le dernier extrait, bien que portant le sigle Gaumont, a en réalité été créé et diffusé pour Éclair.

Contextualisation

Après avoir démissionné du Gouvernement Provisoire de la République Française le 20 janvier 1946, Charles de Gaulle participe au débat entourant la rédaction du projet constitutionnel principalement par la voie de la presse, en dehors de ses prises de paroles en Vendée (le 12 mai) mais surtout à Bayeux (le 16 juin – voir document 1). L’avis de Charles de Gaulle est partagé par 53% des Français qui rejettent le projet constitutionnel voté par l’assemblée constituante le 19 avril 1946 lors du référendum du 5 mai suivant. Pourtant, le 13 octobre 1946, c’est également environ 53,6% des Français (votants) qui approuvent le nouveau texte constitutionnel qui n’est qu’un « replâtrage des dispositions antérieures mises au goût des intérêts du jour ». Ce texte de compromis dans lequel le président de la République récupère des pouvoirs perdus dans le projet précédent, et ou le bicamérisme refait surface par la création d’une chambre haute appelée Conseil de la République, est vivement critiqué dans les discours de Bar-le-Duc du 28 juillet 1946 et d’Épinal du 29 septembre par Charles de Gaulle. Cela marque la défaite du projet institutionnel gaullien, ce qui décide Charles de Gaulle à se retirer quelque peu du jeu politique. Le retour ne tarde cependant pas à se faire puisque la première prise de parole publique du général de Gaulle se fait à Bruneval, le 30 mars 1947 ; six mois après le discours d’Épinal.

Analyse

Les trois extraits montrent l’extrême popularité de l’ancien chef de la France libre. La foule est rassemblée, compacte et fervente à l’écoute des paroles du général de Gaulle.

À Bruneval, le commentateur estime que sont rassemblées face à cette falaise du pays de Caux « quarante mille personnes venues de partout. » Si le général de Gaulle vient commémorer l’opération Biting des 27 et 28 février 1942 (quand 120 « parachutistes écossais et canadiens avec quelques français » sont largués non loin de là pour un raid éclair dont l’objectif est la prise d’un radar de type Würzburg 110), son discours fini par glisser vers des allusions de politique intérieure. Ainsi, il dit qu’ « en vérité, la Résistance française, c’était la Défense Nationale ! (…) Mais elle fut, et il fallait qu’elle fût, une et indivisible comme la France qu’elle défendait. Une et indivisible, certes ! Ce qui veut dire que toute tentative de piller ce bien national ne saurait être tolérée. Telles ambitions et surenchères partisanes, qui prétendent se l’attribuer en tout ou en partie sont vulgairement sacrilèges. (…) Ah ! mes camarades, il est vrai qu’après tant d’épreuves, les voix de la division, c’est-à-dire de la décadence, ont pu couvrir pour un temps celle de l’intérêt national. Peut-être était-ce inévitable. La marée monte et descend. Peut-être est-il dans la nature des choses qu’à un clair et grand effort succèdent d’obscurs tâtonnements. Mais les temps sont trop difficiles, la vie est trop incertaine, le monde est trop dur, pour que l’on puisse longtemps, sans courir un péril mortel, végéter dans les ténèbres. Notre peuple porte de graves blessures, mais il suffit d’écouter battre son cœur malheureux pour connaître qu’il entend vivre, guérir, grandir. Le jour va venir où, rejetant les jeux stériles et réformant le cadre mal bâti où s’égare la nation et se disqualifie l’État, la masse immense des Français se rassemblera sur la France ». De son côté, le commentateur dit alors qu’ « après des mois de retraite, le premier résistant de France semble vouloir reprendre un rôle actif » et « Bruneval ouvre le rideau sur la rentrée du général de Gaulle. »

À Strasbourg, le 7 avril 1947, sur la place Broglie depuis le balcon de l’Hôtel de Ville, « le général de Gaulle adresse à une foule innombrable un important message politique » selon le commentateur. Une semaine après le discours de Bruneval, Charles de Gaulle effectue-là sa véritable rentrée politique puisque c’est entouré de Jacques Soustelle, de Jacques Chaban-Delmas et d’André Malraux, notamment, qu’il annonce la création d’un nouveau parti politique, le Rassemblement du peuple français (RPF). C’est en réalité une semaine plus tard que naît officiellement cette formation politique dont l’objectif est la mise en œuvre du programme politique esquissé dans le discours de Bayeux. À partir de ce moment-là, Charles de Gaulle enchaîne les voyages : à Bordeaux (15 mai), Lille (29 juin), en Bretagne (25 au 27 juillet), Alençon (10 août), etc. L’objectif étant de mobiliser les électeurs pour les élections municipales prévues les 19 et 26 octobre 1947. Partout, les foules sont au rendez-vous. À Rennes, le discours est prononcé devant 60.000 personnes selon Marc Fosseux.

Le point d’orgue est sans doute atteint le 5 octobre 1947, sur la pelouse de l’hippodrome de Vincennes « où une foule enthousiaste s’est rassemblée », selon le commentateur. Charles de Gaulle en profite même pour un bain de foule comme l’attestent les images filmées ce jour-là avant de prendre la parole à la tribune. Le fond du discours change assez peu avec ce qu’il a pu prononcer auparavant à Bruneval, Strasbourg ou Bordeaux. La ligne politique est fixée : « sortir de la confusion des pouvoirs introduite par la nouvelle Constitution », éviter les déchirements internes et réduire l’influence des partis sur les institutions.

Même si le général de Gaulle s’impose un silence quasi absolu durant quelques semaines entre la fin de l’année 1946 et le début du deuxième trimestre 1947, il n’y a pas là de « traversée du désert » mais bien plus la préparation de la reconquête politique puisque celle-ci, et le général de Gaulle l’a compris, ne viendra pas d’un recours à lui de la part du pouvoir exécutif.  

Ressources complémentaires :

Bibliographie

Charles de Gaulle, Discours et messages, t. 2, Dans l’attente 1946-1958, Paris, Plon, 1970.

David Bellamy, « Le gaullisme fut-il une critique du régime d’Assemblée ? », Parlement[s], Revue d’histoire politique, vol. HS 9, no. 3, 2013, pp. 113-125.

Serge Berstein, Pierre Milza (dir.), L’année 1947, Paris, Presses de Sciences Po, 1999.

Éric Duhamel, Histoire politique de la IVe République, Paris, La Découverte, « Repères », 2000.

Fondation Charles de Gaulle, Centre aquitain de recherches en histoire contemporaine, De Gaulle et le RPF (1947-1955), Paris, Armand Colin, 1998.

Bernard Lachaise, « Chapitre 14. La création du Rassemblement du peuple français », in Serge Berstein, Pierre Milza (dir.), L’année 1947, Paris, Presses de Sciences Po, 1999, pp. 327-337.

Bernard Lachaise, « Itinéraires des parlementaires gaullistes de la IVe République », Parlement[s], Revue d’histoire politique, vol. 7, n° 1, 2007, pp. 47-63.

Laurent Martin, « De Gaulle et Le Canard enchaîné : je t’admire, moi non plus », Sociétés & Représentations, vol. 36, no. 2, 2013, pp. 109-123.

Sitographie

Dossier sur le discours de Bruneval avec retranscription du discours : http://bruneval42.com/commemorations

Discours d’Epinal (29 septembre 1946) : http://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00008/discours-a-epinal.html

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