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La France sortait de la guerre humiliĂ©e et abaissĂ©e. [
] DĂ©sormais, elle devait avant tout songer Ă  se prĂ©server d’une invasion nouvelle, menaçante toujours, en raison de la puissance militaire de l’Empire allemand maintenant fondĂ© [
] Mais entre ces appauvrissements matĂ©riels en hommes et en argent, la France souffre surtout d’une immense humiliation morale. Pendant de longues annĂ©es, elle demeurera isolĂ©e en Europe, et la vitalitĂ© prodigieuse que tĂ©moignera son rapide relĂšvement pourra seule, avec le concours puissant des circonstances, lui permettre de nouvelles alliances. Enfin les consĂ©quences politiques de la guerre sont de la plus haute importance : chute de l’Empire et Ă©tablissement du gouvernement rĂ©publicain. DĂ©sormais enfin, la France verra sa situation Ă©conomique devenir beaucoup plus difficile, Ă  cause de l’immense empire industriel et commercial qui s’est fondĂ©, et de sa propre position naturellement dĂ©favorable de vaincue. 

Titre : Composition sur la guerre de 1870 et ses conséquences au collÚge Stanislas, 1908

Source : Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets, tome 1 1905-1918, Paris, Plon, 1980, pp. 32-39

© Éditions Plon, 1980

Présentation

La « corniche », classe prĂ©paratoire au concours de l’École de Saint-Cyr, a pour fonction de prĂ©parer au mieux les Ă©tudiants au concours d’entrĂ©e en multipliant les exercices physiques et intellectuels. L’école militaire est aussi un lieu d’apprentissage du verbe comme l’indique sa devise « Ils s’instruisent pour vaincre ».

En 1908, le jeune de Gaulle doit répondre à un sujet de composition portant sur la guerre de 1870 et ses conséquences.

Contextualisation

Charles de Gaulle est marquĂ© par le souvenir de la guerre de 1870, notamment par les rĂ©cits de son pĂšre, ancien combattant. Au moment oĂč l’étudiant Ă©crit sa composition, l’Europe connaĂźt une montĂ©e des pĂ©rils sur fond de rivalitĂ©s entre puissances coloniales de puissances coloniales (crise de Tanger) et de la constitution d’alliances entre les Etats (France-Russie en 1894, puis Entente cordiale de 1904 et Triple Entente de 1907 pour faire face Ă  la Triple Alliance).

Analyse

Charles de Gaulle rĂ©pond Ă  la question, pĂ©tri de l’hĂ©ritage culturel familial. Pour traiter du sujet « la guerre de 1870 et ses consĂ©quences », il fait preuve d’une certaine connaissance de la situation internationale contemporaine. La composition est marquĂ©e par sa tonalitĂ© patriotique.

La France est prĂ©sentĂ©e affaiblie par le conflit de 1870 d’un point de vue matĂ©riel et moral ; il est fondamental de la relever de l’humiliation de la dĂ©faite de Sedan. De Gaulle considĂšre l’Allemagne comme l’ennemi dont il est nĂ©cessaire de se protĂ©ger, militairement, Ă©conomiquement mais aussi diplomatiquement.

Son propos entre en rĂ©sonance avec le climat intellectuel marquĂ© par une multiplication de crises depuis le dĂ©but du XXĂšme siĂšcle et l’essor de la puissance allemande. Le jeune de Gaulle appartient Ă  cette gĂ©nĂ©ration marquĂ©e par le patriotisme, l’antigermanisme et l’idĂ©al d’action comme a pu le dĂ©montrer l’enquĂȘte d’Agathon, cĂ©lĂšbre enquĂȘte sur l’état d’esprit de la jeunesse française menĂ©e en 1912 par Henri Massis et Alfred de Tarde.

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie 

Charles de Gaulle, la jeunesse et la guerre, 1890-1920, AFondation Charles de Gaulle, Paris, Plon, 2011.

Philippe Beneton, « La gĂ©nĂ©ration de 1912-1914 : image, mythe et rĂ©alitĂ© ? », Revue française de science politique, 21ᔉ annĂ©e, n°5, 1971. pp. 981-1009.