Ordonnance du 9 août 1944
Titre : Ordonnance du 9 août 1944
Auteur : Gouvernement provisoire de la République française (GPRF)
Source :Archives nationales, document consulté sur le site de la Fondation de Gaulle
https://www.charles-de-gaulle.org/blog/2020/03/27/les-ephemerides-de-gaulle-27-mars-2020/
Contextualisation
L’ordonnance est adoptée par le gouvernement provisoire de la République française à Alger le 9 août 1944 alors que la bataille de Normandie est en passe d’être remportée, que Paris n’est pas encore libérée et que se prépare le débarquement en Provence. Pour préparer le retour de la république prévu après la Libération, le gouvernement provisoire présidé par de Gaulle et mis en place en juin, prend la décision de rejeter la législation de Vichy. L’ordonnance publiée le 10 août 1944 dans le Journal officiel d’Alger est éditée le 12 septembre à Paris. Une ordonnance est une mesure qui a force de loi, prise par un gouvernement en l’absence d’une assemblée législative démocratiquement élue. De ce fait, la plupart des décisions prises avant 1946 sont des ordonnances.
Analyse
L’article 1 énonce que la république « n’a pas cessé d’exister ». En août 1944, de Gaulle écarte l’idée de la proclamer à nouveau, proposée par le président du CNR, Georges Bidault. Pour de Gaulle, la Résistance a continué de faire exister en droit la république démocratique. L’article 2 déclare ainsi que « tous les actes constitutionnels, législatifs et règlementaires » produits à partir du 16 juin 1940 sont « nuls » et de « nul effet ». La date choisie correspond à la nomination du maréchal Pétain comme président du conseil, désignation légale au regard des lois constitutionnelles de 1875. En revanche, la décision de demander aux Allemands les conditions d’armistice est jugée illégitime par de Gaulle car elle marque la soumission à l’ennemi et le début de la servitude. Ainsi, les décisions prises à partir du 16 juin, et donc toutes celles du régime de Vichy, sont déclarées nulles. De Gaulle considère Vichy comme un gouvernement de fait et non de droit. L’article 2 postule que cette « nullité doit être expressément constatée » c’est-à-dire validée par les autorités nouvelles de la République. Les décisions de Vichy demeurent donc en application jusqu’à ce que leur nullité soit actée, pour éviter un vide juridique. Ce texte inaugure donc une longue série d’actes législatifs qui s’échelonnent sur plusieurs mois. Ce sont donc les autorités républicaines qui décident de la légalité des lois. Enfin, l’article 3 constate expressément la nullité des textes les plus en contradiction avec les principes démocratiques. Ce sont les lois constitutionnelles du 10 juillet 1940 et les décisions ayant portées atteinte aux droits individuels, comme les lois d’exception organisant la discrimination et le travail forcé. Par cette ordonnance, la France renoue ainsi avec ses principes et valeurs démocratiques. De même qu’est niée la légitimité des gouvernants de Vichy, est affirmée implicitement la légitimité du pouvoir exercé par le GPRF, même si celui-ci n’émane pas d’un processus démocratique. Cette dimension a aussi une portée géopolitique car elle permet à de Gaulle de faire reconnaître aux yeux du monde les autorités issues de la Résistance comme celles de la France et non celles de Vichy.