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Ordre d’opĂ©rations n°1 de la 4e DCR datĂ© du 16 mai 1940

Source : Yves Buffetaut, De Gaulle chef de guerre, 39-45 magazine, supplément au n°50, éditions Heimdal, Bayeux, juin 1990, pp. 20-25

Présentation

Ce document administratif brut prĂ©sente Charles de Gaulle, en soldat professionnel, technicien de la chose militaire, connaisseur de la guerre des blindĂ©s. Il a reçu une mission et des moyens pour la remplir, notamment des chars d’assaut dont il s’est fait le chantre dans Vers l’armĂ©e de mĂ©tier, publiĂ© en 1934.

Contextualisation

Le contexte militaire doit ĂȘtre analysĂ© pour resituer la mission dĂ©licate confiĂ©e au colonel de Gaulle.

  • 10 mai 1940 : l’armĂ©e allemande passe Ă  l’offensive en Hollande, en Belgique et au Luxembourg. Les armĂ©es françaises et britanniques se portent en Belgique d’Anvers Ă  la Meuse ;
  • 11 mai 1940 : le colonel de Gaulle reçoit le commandement de la 4e Division CuirassĂ©e de RĂ©serve ou 4e DCR, en cours de constitution dont le Poste de Commandement se trouve au VĂ©sinet, Ă  l’ouest de Paris ;
  • 13 mai 1940 : les blindĂ©s allemands (7 divisions) percent le front de la Meuse Ă  Dinant et Ă  Sedan. Les alliĂ©s franco-britanniques n’ont plus de rĂ©serve pour colmater la brĂšche et les arrĂȘter ;
  • 15 mai 1940 : le colonel de Gaulle est convoquĂ© au Grand Quartier GĂ©nĂ©ral, Ă  Montry, Ă  l’est de Paris. Les chars allemands sont Ă  deux jours de Paris. Un front continu est en cours de constitution sur le canal de l’Ailette et l’Aisne. La 4e DCR doit couvrir ce front en attaquant du sud (Laon) vers le nord (Montcornet) le flux des chars allemands venant de Sedan, protĂ©geant ainsi la capitale ;
  • 16 mai 1940 : Ă  BruyĂšres, au sud-est de Laon, le colonel de Gaulle rĂ©dige son ordre d’opĂ©ration n°1 pour la bataille de Montcornet qui se dĂ©roule le 17 mai 1940.

,Analyse

Le document permet de faire un inventaire critique des moyens militaires dont dispose le colonel de Gaulle et l’improvisation dont il doit faire preuve pour remplir sa mission.

La division est incomplĂšte Ă  la veille du lancement de la bataille de Montcornet. Le colonel donne des ordres Ă  des unitĂ©s de chars (19e bataillon de chars Renault D2, 2e bataillon de chars lĂ©gers Renault R35) et de fantassins (soldats combattant Ă  pied du 4e bataillon de chasseurs portĂ©s, d’ailleurs transportĂ© par autobus faute de vĂ©hicules militaires rĂ©glementaires) dont il ne disposera qu’une fois la bataille lancĂ©e ; noter la formule « s’il est arrivé », « au cas oĂč il serait arrivĂ©. »

Utiliser une carte permet de mesurer la maĂźtrise du colonel de Gaulle dans la guerre des blindĂ©s en y associant ses ordres. Il dĂ©finit deux axes de progression vers Montcornet en suivant des routes. Le premier part de la forĂȘt de Samoussy vers Chivre puis Montcornet pour ses chars les plus puissants (Renault B1 bis et Ă©ventuellement Renault D2). Le second part de la Maison Bleue vers Sissonne puis La Ville-au-Bois puis Moncornet pour ses chars lĂ©gers (Renault R35). Le front n’est pas une ligne continue tenue par des fantassins mais une affaire de mobilitĂ©. Il faut tenir des carrefours avec des « bouchons » pour conquĂ©rir le carrefour suivant. Toutes les troupes doivent ĂȘtre mobiles pour Ă©pauler les chars d’assaut et les ravitailler en essence et munitions. La coordination est indispensable, elle passe par des communications radiophoniques modernes qui font souvent dĂ©faut. Les deux colonnes de chars entreront dans Montcornet le 17 mai, pas en mĂȘme temps, et devront s’en retirer faute de ravitaillement et de soutien de fantassins, subissant des attaques aĂ©riennes.

« Il est vrai que, pour les SOMUA, chaque Ă©quipage Ă©tait formĂ© d’un chef de char qui n’avait jamais tirĂ© le canon et d’un conducteur qui n’avait pas fait quatre heures de conduite. Il est vrai que la division comportait un seul bataillon d’infanterie, transportĂ©, d’ailleurs, en autobus et, de ce fait, vulnĂ©rable Ă  l’extrĂȘme au cours de ses dĂ©placements. Il est vrai que l’artillerie venait d’ĂȘtre constituĂ©e au moyen de dĂ©tachements fournis par de multiples dĂ©pĂŽts et que beaucoup d’officiers firent la connaissance de leurs hommes littĂ©ralement sur le champ de bataille. Il est vrai qu’il n’y avait pas, pour nous, de rĂ©seau-radio et que je ne pouvais commander qu’en dĂ©pĂȘchant des motocyclistes aux Ă©chelons subordonnĂ©s et, surtout, en allant les voir. Il est vrai qu’il manquait Ă  toutes les unitĂ©s beaucoup de moyens de transport, d’entretien, de ravitaillement qu’elles auraient dĂ» avoir. » (Charles de Gaulle dans le tome 1 de ses MĂ©moires de guerre en 1954)

Cette attaque improvisĂ©e est donc un demi-succĂšs. La 4e DCR fait 130 prisonniers d’aprĂšs son chef. Les pertes humaines sont infĂ©rieures Ă  200 hommes. La rubrique VIII : Poste de Commandement ou P.C. de la division anticipe pourtant une installation Ă  Montcornet, aprĂšs sa prise aux Allemands ; ce qui ne s’est pas produit le 17 mai 1940. Le colonel de Gaulle se montre donc confiant quant Ă  ses chances de succĂšs, Ă  moins qu’il ne veuille gonfler le moral de ses tankistes Ă  la veille de l’attaque.

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie

Yves Buffetaut, De Gaulle chef de guerre, 39-45 magazine, supplément au n°50, éditions Heimdal, Bayeux, juin 1990.

Charles de Gaulle, MĂ©moires de guerre, Tome 1 – l’Appel, Paris, Plon, 1954.

Sitographie

Pour accĂ©der Ă  une retranscription du Journal de Marche et OpĂ©rations de la 4e DCR la graphie des lieux est approximative car le rĂ©dacteur Ă©crit dans l’instant et se fie Ă  des informations souvent orales :
http://www.chars-francais.net/2015/index.php/journaux-de-marche/liste-des-journaux?task=view&id=596

Pour identifier les modĂšles de chars Renault (B1, B1bis, D2, R35) dont dispose le colonel de Gaulle Ă  Montcornet
https://www.chars-francais.net/2015/index.php/liste-chronologique/de-1930-a-1940