Caricature. F. Behrendt « De Gaulle et l’OTAN », 1965
Présentation
Fritz Behrendt (1925-2008) est un dessinateur de presse d’origine allemande naturalisé néerlandais. Plutôt positionné à gauche, il soutient dans un premier temps les régimes communistes mis en place en Europe de l’Est et surtout la RDA. A partir des années 1960, en exil, ses caricatures ont été diffusées dans de nombreux quotidiens de la presse internationale.
Contextualisation
Depuis son arrivée à la présidence de la République en 1958, le général de Gaulle ne cache pas ses velléités de réforme de l’OTAN. Outre un hypothétique antiaméricanisme, d’autres facteurs sont à mettre en évidence : la volonté d’autonomisation de la Défense nationale par la création d’une force de frappe nucléaire indépendante dans un contexte de « détente » et de dépassement de la logique des blocs.
Analyse
En 1965, dans ce dessin, Fritz Behrendt met en scène ici le fonctionnement de l’Alliance atlantique (NATO dans son acronyme anglo-saxon). A gauche, le général américain Lyman Lemnitzer, Supreme Allied Commander de l’organisation depuis 1963, dirige les opérations, c’est-à-dire le Commandement intégré. Tous les pays membres de l’OTAN sont représentés par des soldats aux figures « quelconques » que l’on peut uniquement identifier à leur abréviation sur les casques : les Etats-Unis, l’Italie, la RFA, le Canada, le Royaume-Uni, le Portugal, le Danemark, la Grèce, la Norvège, la Belgique, les Pays-Bas et probablement la Turquie. Il ne manque que l’Islande et le Luxembourg. Tous ces pays européens regardent dans la même direction, vers l’Ouest, vers les Etats-Unis, vers le général Lemnitzer. Tous, sauf un, la France. D’ailleurs, elle n’est même pas nommée en tant que telle. Sa singularité est évidente. Sous les traits reconnaissables (haute stature, nez) du général de Gaulle, habillé en grognard napoléonien dont le bonnet à poil se pare d’une croix de Lorraine, elle défie doublement l’autorité américaine : elle sort des rangs et regarde vers l’Est, c’est-à-dire vers l’URSS. Ici aussi c’est la primauté de l’intérêt national que l’on peut mettre en évidence même de manière ironique.
Un an plus tard, le 7 mars 1966, le général de Gaulle envoie au président américain Lyndon Johnson une lettre dans laquelle il annonce la décision de retirer les forces françaises du commandement intégré de l’OTAN. Il ne s’agit pas d’une décision soudaine mais bien l’aboutissement d’un processus entamé dès son retour au pouvoir en 1958 voire même par la IVe République sur certains aspects. Il convient toutefois de la nuancer dans ses effets. Sa dimension symbolique et politique diffère de sa mise en œuvre. La France reste membre de l’Alliance atlantique et négocie différents accords techniques.
Ressources complémentaires :
- https://www.nato.int/acad/fellow/98-00/giglioli.pdf
- Raphaëlle Bacqué, Dix ans d’archives inédites de l’Elysée, Flammarion, 2020.