Accueil > Charles de Gaulle, Pour une politique de Défense nationale (1933)

 

 

Source : articles et écrits, Plon, p.265-270, 1975

Présentation

Cet article paraît le 4 mars 1933 dans le troisième numéro La Revue bleue. Fondée en 1863, La Revue politique et littéraire connait plusieurs formules. En 1933, devenue bimensuelle, elle prend le nom de Revue bleue au regard de la couleur de son papier bleu, et en opposition à la Revue rose, La Revue scientifique. Dans les deux cas, ce sont des journaux culturels relativement populaires.

Contextualisation

A ce moment, et depuis près de deux ans, le commandant de Gaulle a intégré le Secrétariat général du CSDN. Il y entre comme rédacteur auprès du maréchal Pétain. Le Conseil Supérieur de la Défense Nationale est un organisme politique de niveau gouvernemental de la IIIe République créé en 1906. Selon un décret de 1929 qui le réforme, il peut se définir comme « le conseil des ministres siégeant à propos de la défense nationale et appelant en son sein, à titre consultatif, les vice-présidents des trois conseils supérieurs militaires et le vice-président de la Commission d’études ». Son objectif premier est donc de préparer la France à une nouvelle guerre. Les politiques y ont une voix délibérative et les militaires une voix consultative.

Analyse

C’est dans ce contexte qu’il faut replacer cet article, celui d’un militaire non conformiste mais qui a une vision classique de la puissance d’un Etat. Dès le premier paragraphe, le commandant de Gaulle met l’accent sur le nouveau contexte géopolitique européen à la suite de l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler quelques semaines plus tôt : « Tandis qu’achève de se disloquer le concert des alliés de la guerre et que l’Allemagne bouillonne de cette confusion passionnée qui fut toujours pour elle le prélude des grandes entreprises, la France, d’instinct, se souvient de ses armes. » Or, dans ses nouvelles fonctions, de Gaulle découvre sans aucun doute la lourdeur administrative et les atermoiements gouvernementaux. Pour lui, le hiatus est remarquable entre « une armée solide, bien dotée, bien commandée et qui s’est, d’elle-même, fixée ce qu’elle aurait à faire » et l’absence « d’un plan, déterminant, pour l’essentiel, la politique générale de la France dans les débuts d’un conflit, fixant, pour autant qu’on le puisse, le but, la forme, la mesure de l’effort total du pays, traçant à chaque ordre de l’action : militaire, naval, aérien, diplomatique, colonial, économique, financier, moral, son but propre, ses limites, la manière dont il se doit de conjuguer avec les autres, dès lors ils ont en main le fil conducteur. » En d’autres termes, d’où le titre de l’article, il estime que la France a besoin d’une politique de Défense nationale, c’est-à-dire d’une vision d’ensemble qui lie les questions militaires et politiques. Outre les questions purement tactiques, ils se posent des questions financières et d’organisation gouvernementale. Ainsi, sous la IIIe République, à partir de la fin des années 1920, il existe trois portefeuilles distincts : la Guerre, la Marine et les Airs. Le commandant de Gaulle semble alors favorable à « la création [même] momentanée d’un ministère commun à des éléments jusque-là séparés ». C’est pourquoi, et aussi en raison des contingences, c’est-à-dire pour lui « des conditions relativement fixes qui, de tout manière, entreront en ligne de compte et qui y sont toujours entrées », il convient de doter la France d’outils rationnels « quitte pour le gouvernement, si la tourmente éclate un jour, à adapter ce plan aux circonstances et aux personnalités. » Il convient toutefois d’éviter tout anachronisme. En témoignent l’ensemble des écrits à caractère historique, militaire et philosophique écrits avant la Seconde Guerre mondiale : 4 livres, 3 études, 12 articles et 1 mémorandum. Il a conscience de cette absence de politique de défense nationale et de la fragmentation de prise de décision. Mais la pensée gaullienne est encore en maturation. Elle se nourrit à la fois de son parcours militaire et de son parcours naissant dans les arcanes du pouvoir.

Ressources complémentaires : 

  • Charles de GAULLE : Le Fil de l’Epée et autres écrits, Plon, collection Volumes, 1999.
  • Frédéric GUELTON, directeur des recherches au Service historique de l’Armée de Terre (SHAT) : « Charles de Gaulle au Secrétariat général du Conseil supérieur de la Défense nationale », 1931-1937, article dans Charles de Gaulle : du militaire au politique, 1920-1940 [colloque], Plon, 2004.
Share This