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Titre : Conférence de presse du 31 janvier 1964

Source : Charles de Gaulle, Discours et messages, t. 4, Pour l’effort 1962-1965, Paris, Plon, 1970, p. 164.

https://mjp.univ-perp.fr/textes/degaulle31011964.htm

 

Contextualisation

Cette conférence de presse se déroule le 31 janvier 1964. De Gaulle a ritualisé cet échange avec la presse qui se déroule deux fois par an dans le palais de l’Élysée. Celle-ci est sa dixième depuis qu’il est président de la Ve République. Elle lui donne l’occasion de s’adresser aux Français pour évoquer des questions d’actualité et défendre sa politique. Ils ont ainsi accès directement à la parole présidentielle, via les médias, ce qui renforce le lien avec la nation voulue par de Gaulle.  Les questions des journalistes lui ont été communiquées en amont pour qu’il puisse préparer des réponses. Quatre thèmes sont abordés dans cette conférence de presse. Pourtant, c’est d’abord sur les questions institutionnelles qu’il est interrogé, deux ans après la réforme de 1962 qui a instauré l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, et ce dans un contexte conflictuel.

énalyse

La réponse du président aux questions des journalistes permet de comprendre les caractéristiques principales du modèle démocratique gaullien. Pour lui, le président tire sa légitimité d’un lien direct avec le peuple. Il est « Élu par la nation » et son pouvoir « procède directement du peuple ». Depuis 1962, le président est élu au suffrage universel direct et non plus indirectement par un collège électoral de 80 000 grands électeurs (parlementaires et élus locaux). Aux yeux de de Gaulle, ce mode de désignation lui confère une légitimité incontestable car l’élection directe est l’expression par excellence de la souveraineté nationale. Cette réforme a été largement approuvée par référendum et l’élection présidentielle devient un moment démocratique important dans la vie politique des Français.

La conférence de presse permet également à de Gaulle de se présenter comme une incarnation de la nation. Il est « l’homme de la nation, mis en place par elle-même pour répondre de son destin ». Il a la conviction d’avoir joué un rôle providentiel pendant la Seconde Guerre mondiale ce qui autorise cette identification. Cette posture a été renouvelée lors de son retour « à la direction des affaires » en 1958. Elle l’autorise à ne pas faire campagne pour le premier tour des élections présidentielles de 1965.

Deux institutions (présidence et Assemblée nationale) tirent désormais leur légitimité du suffrage universel. Cependant, la nouvelle organisation des pouvoirs donne la prééminence au président de la République aux dépens de l’Assemblée nationale. Il s’agit d’un renversement de situation puisqu’avant 1958, c’est le Parlement qui avait la primauté. Pour de Gaulle, il s’agit de mettre fin à la subordination de l’exécutif au législatif car le pouvoir ne saurait être « la chose des partisans » ni procéder « de combinaisons de groupes » pour être confisqué par les parlementaires pris dans le système des partis. Un certain nombre de dispositions dans la constitution de 1958 limite ainsi de façon nette les pouvoirs du Parlement. D’abord, les membres du gouvernement « ne peuvent être des parlementaires ». Le général de Gaulle tenait à cette disposition pour bien assurer l’indépendance du gouvernement par rapport au Parlement. De même le droit de censure du gouvernement par l’Assemblée nationale est limité aux situations d’une « extraordinaire gravité ». De fait, la réforme de 1962 a suscité une vive opposition parlementaire, inquiète d’une trop forte personnalisation du pouvoir. Cette conception de la démocratie préférant le lien avec le peuple sans passer par le Parlement, les partis politiques, les syndicats et les corps intermédiaires est critiquée. Une certaine mémoire entretient la crainte d’une confiscation de la démocratie par un président élu au suffrage direct comme l’avait fait Louis Napoléon Bonaparte en 1851. Pour de Gaulle, le fait que les pouvoirs du président procèdent de l’élection justifie les nouvelles prérogatives présidentielles : le droit de dissolution de l’Assemblée nationale et le recours au référendum. Dans les deux cas, l’idée est que la nation reste dernière « juge », soit « par voie de nouvelles élections » ou par voie « de référendum ». Laisser au peuple la faculté de « trancher » souverainement correspond au « vrai fonctionnement de la démocratie » pour de Gaulle.

 

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