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De Gaulle et Adenauer Ă  Reims, le 8 juillet 1962

Source : © Egon Steiner – Droits rĂ©servĂ©s – TĂ©lĂ©chargement

Présentation 

Cette photographie en noir et blanc en format portrait prise dans le chƓur de la cathĂ©drale de Reims le 8 juillet 1962, probablement par Egon Steiner, un des photographes officiels prĂ©sents ce jour-lĂ  et dont les archives nationales allemandes possĂšdent d’autres clichĂ©s pris du mĂȘme angle, met en scĂšne le chancelier Konrad Adenauer, Ă  gauche, et le prĂ©sident de la RĂ©publique française Charles de Gaulle, Ă  droite, assistant Ă  un Te Deum en la cathĂ©drale Notre-Dame de Reims.

Contextualisation

Cette trĂšs cĂ©lĂšbre photographie a Ă©tĂ© prise le dimanche 8 juillet 1962 quand le chancelier allemand Konrad Adenauer et le prĂ©sident de la RĂ©publique française Charles de Gaulle assistent cĂŽte Ă  cĂŽte, dans le chƓur de la cathĂ©drale Notre-Dame de Reims, Ă  une messe cĂ©lĂ©brĂ©e par l’évĂȘque auxiliaire, Mgr BĂ©jot, au cours de laquelle est chantĂ© un Te Deum. Cette messe clĂŽt pratiquement la visite officielle du chancelier en France qui se dĂ©roule du 2 au 8 juillet 1962 et constitue une Ă©tape essentielle avec la visite du gĂ©nĂ©ral de Gaulle en RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d’Allemagne du 4 au 9 septembre 1962 qui aboutit Ă  la signature du traitĂ© d’amitiĂ© franco-allemand, dit traitĂ© de l’ÉlysĂ©e, le 22 janvier 1963.

Analyse

Cette photographie est intĂ©ressante Ă  plus d’un titre. D’abord pour le lieu ; ensuite, pour les hommes et enfin pour le symbole.

D’abord, le lieu. Reims. Quand Alain Peyrefitte, alors secrĂ©taire d’État Ă  l’information, demande au gĂ©nĂ©ral de Gaulle le 27 juin 1962 quel sera le moment fort de la visite officielle du chancelier allemand Konrad Adenauer entre les 2 et 8 juillet suivant, le prĂ©sident de la RĂ©publique rĂ©pond : « Ce sera Reims, Ă©videmment, le dernier jour. Reims, la ville martyre de la PremiĂšre Guerre, et qui a reçu la reddition de l’armĂ©e allemande Ă  la fin de la Seconde. (
) La cathĂ©drale, qui a Ă©tĂ© presque complĂštement dĂ©truite par les Allemands ; cette cathĂ©drale oĂč Ă©taient sacrĂ©s nos rois, oĂč Jeanne d’Arc est venue pour couronner le pauvre Charles VII. Ces lieux oĂč Clovis a Ă©tĂ© baptisĂ©, oĂč l’on peut dire que la France aussi a Ă©tĂ© baptisĂ©. » De plus, Jean-François Boulanger explique que « rĂ©cit littĂ©raire et synthĂ©tique, les MĂ©moires d’espoir peuvent aussi nous aider Ă  comprendre la symbolique profonde du choix de Reims. Car de Gaulle ne relate pas de la mĂȘme façon l’ensemble de ses rencontres avec Adenauer. La rencontre de 1958 à  Colombey et celle de Reims en 1962 y apparaissent comme les moments forts d’une relation qui n’est pas seulement celle qui s’instaure entre deux nations, mais aussi celle qui se noue entre deux hommes. »

Car ensuite viennent les hommes. Car ces deux hommes ont beaucoup en commun. Tous deux rĂ©sistĂšrent face au nazisme et ses supplĂ©tifs ; de Gaulle en organisant depuis Londres la France libre, Adenauer dĂšs 1933 en affichant son hostilitĂ© face au nazisme ce qui lui valut plusieurs sĂ©jours en prison entre 1933 et 1944. Tous deux naissent et grandissent dans de ferventes familles catholiques ce qui participe Ă  leur formation d’hommes et fait d’eux des chrĂ©tiens pratiquants. Cet Ă©lĂ©ment forge alors une culture commune qui transparaĂźt lors de leur passage dans la cathĂ©drale de Reims. Adenauer inscrit son action politique dans le courant de la dĂ©mocratie chrĂ©tienne (CDU) et le gaullisme est en quelque sorte une forme de dĂ©mocratie chrĂ©tienne mĂȘme si dans le paysage politique français de l’aprĂšs-guerre ce statut de parti dĂ©mocrate-chrĂ©tien appartient au MRP de Georges Bidault qui souhaite rassembler les rĂ©sistants dĂ©mocrates-chrĂ©tiens qui veulent dĂ©passer le clivage gauche-droite et celui de la fidĂ©litĂ© au gĂ©nĂ©ral de Gaulle.

Enfin, parce qu’elle est le symbole de la rĂ©conciliation franco-allemande, ce puissant moteur de la construction europĂ©enne. Selon Georges-Henri Soutou, si les historiens prĂ©fĂšrent Ă©voquer le moteur franco-allemand, « les mĂ©dias lui prĂ©fĂšrent cependant l’image du « couple », dont la stylisation a sans doute atteint son sommet en 1962, avec Charles de Gaulle et Konrad Adenauer debout dans la cathĂ©drale de Reims, ou en 1988 quand François Mitterrand et Helmuth Kohl se sont tenus par la main Ă  Verdun. » Cette rĂ©conciliation s’explique par une volontĂ© rĂ©elle de rapprochement mais aussi pour des raisons de politiques intĂ©rieures – et notamment pour la France, la question du moyen permettant de retrouver le rang perdu dans le concert des nations. AprĂšs l’échec du plan Fouchet en avril 1962 (voir document 1), Français et Allemands ont besoin de donner un nouvel Ă©lan Ă  leurs relations, en se centrant sur elles, avant de les Ă©largir afin de mener Ă  bien la construction europĂ©enne. Pourtant entre Français et Allemands, et au sein mĂȘme de chacune de ces communautĂ©s nationales Ă©mergent de fortes tensions entre les partisans du fĂ©dĂ©ralisme europĂ©en et les partisan d’un unionisme europĂ©en.

Ressources complémentaires :

 

Bibliographie 

Élie Barnavi, Saul FriedlĂ€nder (dir), La Politique Ă©trangĂšre du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, Paris, Presses Universitaires de France, 1985.

Charles Bloch, « De Gaulle et l’Allemagne », in La Politique Ă©trangĂšre du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, Paris, Presses Universitaires de France, 1985.

Jean-François Boulanger, « La réconciliation scellée à Reims. De Gaulle-Adenauer, 1962 », Reims 14-18. De la guerre à la paix, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2013, pp.194-199.

Alfred Grosser, « La politique européenne du général de Gaulle », Espoir, n° 62, 1988.

Pierre Maillard, De Gaulle et l’Allemagne. Le rĂȘve inachevĂ©, Paris, Plon, 1990.

Daniel Pellus, Reims 1900-2000, Reims, Fradet, 2001.

Georges-Henri Soutou, « L’Ă©mergence du couple franco-allemand : un mariage de raison », Politique Ă©trangĂšre, vol. hiver, n° 4, 2012, pp. 727-738.

Sitographie 

Office de Tourisme du Grand Reims, « 8 juillet 1962 : une journée particuliÚre »

https://www.youtube.com/watch?v=YgEMiXZqS9I