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Mon gouvernement (…) s’efforce aussi de devancer le dĂ©veloppement Ă©conomique (
) Cet effort, il le consacre Ă  soutenir des espoirs nouveaux. Ainsi des sources d’énergie (…) du Centre d’études spatiales (
) des communications (…) des aĂ©rodromes (
) des logements (
) de la recherche scientifique (…)

Jamais non plus un Français parcourant la France n’a pu constater d’aussi grands et rapides changements. Et pour cause ! Des permis de construire sur 14 millions de mĂštres carrĂ©s (
) sont accordĂ©s Ă  l’industrie (
) Dans le secteur commercial oĂč fonctionnaient, en 1958, 7 supermarchĂ©s et 1500 « magasins en libre-service » on en compte respectivement 207 et 4000 en 1962 (…) Nos vieilles villes et nos anciens bourgs sont en proie aux chantiers (
)

Notre dĂ©veloppement industriel rĂ©duit inĂ©luctablement l’importance relative de notre agriculture. (…) La machine est passĂ©e par lĂ , bouleversant l’ancien Ă©quilibre, imposant le rendement.

Titre : Extrait des MĂ©moires d’espoir

Source : Charles de Gaulle, MĂ©moires d’espoir, tome 2, Paris, Plon, 1971

© Editions Plon, 1971

Présentation

RĂ©cit autobiographique et politique en 2 volumes : « Le renouveau, 1958-1962 » (1970) et « L’effort, 1962 », inachevĂ© et publiĂ© de maniĂšre posthume en 1971.

Contextualisation

Dans ses MĂ©moires, ses confĂ©rences de presse, ses discours, de Gaulle a de nombreuses fois Ă©voquĂ© la modernisation Ă©conomique de la France.  L’extrait retenu Ă©voque la situation de la France au terme du IVe Plan (ou Plan Rueff) et permet  d’aborder Ă  travers plusieurs exemples le dirigisme Ă©conomique par le biais de la planification (affirmation d’une gĂ©nĂ©ration d’hommes nouveaux tel Pierre MassĂ© – commissaire gĂ©nĂ©ral au plan de 1959 Ă  1966 – arrivĂ©s aprĂšs-guerre dans l’administration de l’économie et des finances) et de la politique d’amĂ©nagement du territoire avec la crĂ©ation en 1963 de la DATAR, chargĂ©e de la planification des investissements publics Ă  l’échelon rĂ©gional.

Analyse

Le premier paragraphe permet d’aborder l’intervention de l’Etat qui privilĂ©gie certains secteurs, impulsant des opĂ©rations financiĂšres de fusion et de regroupement pour dĂ©gager des entreprises de taille europĂ©enne voire mondiale dans le cadre de la compĂ©tition internationale et garantir l’autonomie de la France. Reprenant ici les secteurs citĂ©s par l’auteur, quelques exemples peuvent ĂȘtre citĂ©s. Dans le domaine Ă©nergĂ©tique, EDF est plus ou moins contrainte de coopĂ©rer avec le Commissariat Ă  l’Energie Atomique crĂ©e en 1945 pour dĂ©velopper le nuclĂ©aire civil, choix dĂ©terminant pour l’avenir Ă©nergĂ©tique de la France, l’atome se substituant progressivement au charbon. Dans le mĂȘme temps, l’Etat impulse la crĂ©ation de l’Union GĂ©nĂ©rale des PĂ©troles en 1960 puis de l’Entreprise de Recherches et d’ActivitĂ©s PĂ©troliĂšres qui en 1967 lance Elf. Dans le domaine aĂ©ronautique, c’est la crĂ©ation de l’AĂ©rospatiale, nĂ©e de la fusion de Sud Aviation, Nord Aviation et Sereb, qui parvient au 1er rang europĂ©en. Dans le domaine de l’électronique, le Plan Calcul entraĂźna la crĂ©ation de l’Institut de la Recherche pour l’Informatique et l’Automatique, organisme public de recherche et d’une compagnie d’informatique privĂ©e mais aidĂ©e par l’État : la Compagnie internationale pour l’informatique (CII), pilotĂ©e par l’action conjuguĂ©e de la CSF, de la Compagnie gĂ©nĂ©rale d’ElectricitĂ© et de Schneider.

A la mĂȘme Ă©poque, la prise de conscience de dĂ©sĂ©quilibres rĂ©gionaux, qui ne datent pas des annĂ©es 1960, conduit Ă  la mise en Ɠuvre d’une politique nationale d’amĂ©nagement du territoire Ă©voquĂ©e dans le 2Ăšme paragraphe. L’auteur Ă©voque d’abord la politique urbaine dictĂ©e par la prioritĂ© donnĂ©e Ă  la construction de logements : au dĂ©but des annĂ©es 1960, le commissariat gĂ©nĂ©ral au Plan indique la nĂ©cessitĂ© de construire 320 000 logements/an pendant 30 ans. C’est le lancement de la construction des grands ensembles : chantier prioritaire  qui rĂ©pond Ă  la fois Ă  la crise du logement (dĂ©but 1950 : un tiers des Français sont mal-logĂ©s ; en 1954 l’appel de l’abbĂ© Pierre puis en  1957, la fondation  de ATD-Quart monde mettent en Ă©vidence la  persistance de bidonvilles encore au dĂ©but des annĂ©es 1960) et permet une  rationalisation du BTP  (construction des grands ensemble par de  grandes entreprises).

La suite du paragraphe Ă©voque l’émergence de la grande distribution. GrĂące aux missions de productivitĂ© envoyĂ©es aux États-Unis Ă  la faveur du plan Marshall, la France dĂ©couvre les mĂ©thodes modernes de la distribution de masse. En 1957, le premier supermarchĂ© ouvre Ă  Paris mais la diffusion de ce format est lente. En juin 1958, pour encourager le dĂ©veloppement de la grande distribution, le gouvernement De Gaulle adopte un dĂ©cret qui interdit les prix imposĂ©s, le refus de vente et les pratiques discriminatoires de la part des industriels Ă  l’encontre des enseignes telles que Leclerc.  En 1961, on compte 108 supermarchĂ©s. Entre 1962 et 1969, leur nombre passe de 207 Ă  1453. Les annĂ©es De Gaulle sont Ă©galement marquĂ©es par l’apparition et le dĂ©veloppement des hypermarchĂ©s (le mot est créé en 1968 dans la revue Libre-Service ActualitĂ©s pour dĂ©signer les surfaces de vente supĂ©rieure Ă  2500mÂČ) ; en  1963, Ă  Sainte GeneviĂšve des Bois, le premier hypermarchĂ©, d’une superficie de 2500 mÂČ et dotĂ© d’un parking de 450 places, est inaugurĂ©; en 1969, la France compte 74 hypermarchĂ©s. La grande taille va de pair avec une localisation en pĂ©riphĂ©rie d’agglomĂ©ration, ce qui permet un faible coĂ»t du foncier et le drainage d’une large clientĂšle.

Dans le dernier paragraphe, l’auteur montre que les annĂ©es 1950-60 sont une pĂ©riode de mutation industrielle qui marque parallĂšlement la disparition de la sociĂ©tĂ© paysanne. Les annĂ©es 1960 sont celle de la seconde modernisation de l’agriculture (baisse de la population active agricole, exode rural, baisse du nombre d’exploitations, production en hausse, amĂ©lioration de la productivitĂ©, hausse du niveau d’équipement des exploitations par le recours massif au crĂ©dit). La baisse de la population active agricole et l’exode rural qui l’accompagne alimentent l’apogĂ©e des ouvriers dans la population active. L’industrie est le principal vecteur de la modernisation notamment dans le BTP (cf. paragraphe 2) et  l’industrie des biens intermĂ©diaires (tout particuliĂšrement des biens d’équipements cf. doc3).

Ressources complémentaires :

Bibliographie 

« La politique Ă©conomique et financiĂšre du gĂ©nĂ©ral de Gaulle », 1958-1969″, Cahier de la Fondation Charles de Gaulle, n° 15, 2005.

Sylvie et Pierre Georges, Réformes et réformisme dans la France contemporaine, Paris, Armand Colin, 2012.