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Reportage : La modernisation de l’agriculture française (3’43)

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Présentation

Ce document est un extrait d’un reportage diffusé sur l’ORTF le 6 septembre 1966 dans le cadre d’un magazine documentaire appelé La France dans vingt ans lancé par Jean Chérasse et Jean-Michel Royer en 1965. La séquence est composée d’un entretien mené par le journaliste François-Henri de Virieu, journaliste économique au journal Le Monde, avec Marcel Nézaire dont les images de l’exploitation sont diffusées en arrière-plan.

Analyse

Bien que l’agriculture connaisse au cours des Trente glorieuses une croissance moins forte que l’industrie et voie sa part dans le revenu national considérablement diminuer (10 % environ dans les années soixante contre 17 % en 1946), elle n’en connaît pas moins une spectaculaire mutation. En effet, le rapport Rueff-Armand, remis au général de Gaulle en novembre 1959, définissait en une phrase le virage que devait prendre la production agricole  française : « La situation actuelle est imputable à l’archaïsme des structures parcellaires, à la faiblesse des surfaces cultivées par bon nombre d’agriculteurs, à l’inadaptation de certaines méthodes de production aux possibilités et aux exigences des progrès techniques, enfin à l’insuffisance des stimulants, imputable, jusqu’à un passé récent, à un excès de protectionnisme. ».  Ainsi, l’agriculture française devait se lancer dans ce que l’on a pu appeler la deuxième révolution agricole, en s’appuyant sur une concentration associée à une spécialisation des exploitations agricoles (dans l’élevage porcin en Bretagne, les céréales dans le Bassin Parisien…). Edgard Pisani (ministre de l’agriculture entre le 24 août 1961 et le 8 janvier 1966) voulait développer les exploitations de taille moyenne (entre 30 et 50 hectares). A cela il fallait ajouter une augmentation des surfaces cultivées, faire appel à une mécanisation systématique des moyens de production ainsi que recourir aux nouvelles technologies de l’époque comme les engrais chimiques ou les pesticides. C’est à ce prix que l’agriculture française devait augmenter ses rendements. Ces dispositions techniques furent orchestrées et facilitées par l’action de l’Etat stratège qui mit en place des prêts bonifiés par l’intermédiaire du Crédit agricole qui accorde des subventions aux Coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) et de nombreuses détaxes facilitèrent les achats d’engins agricoles. Cette politique de modernisation fut appuyée par la loi d’orientation agricole de 1962 dite loi Pisani qui instituait également les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) disposant d’un droit de préemption sur l’achat des terres agricoles, afin de favoriser l’agrandissement des exploitations susceptibles d’être compétitives.

A ces initiatives françaises, ajoutons l’impact de la Politique Agricole Commune (PAC) adoptée par les pays membres de la Communauté Economique Européenne (CEE) le 30 juillet 1962. Elle devait permettre d’accroître la productivité de l’agriculture, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés et assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Pour illustrer les succès de l’agriculture productiviste française, le journaliste et ingénieur agronome de formation François-Henri de Virieu présente une exploitation agricole de grande taille (800 hectares), la ferme de Bonne voisine à Champfleury près de Mailly-le-Camp dans la partie du département de l’Aube appartenant à une micro-région appelée « Champagne pouilleuse » ou « champagne crayeuse » où se développe le vignoble champenois. Le sol de cette région est pauvre car le craie qui compose le sous-sol n’est pas recouverte d’une épaisse couche de limon comme en Picardie. Elle a toujours été difficile à exploiter. Pourtant à partir des années 60 elle devient une riche région agricole, grâce au vignoble mais aussi à la céréaliculture, la betterave ou la pomme de terre. Ces succès récents sont dus à la modernisation de l’agriculture voulue par le général de Gaulle et rendue plus facile en Champagne qu’en Bretagne, par exemple, du fait de la moindre concentration d’exploitants et une surface cultivable plus étendue.

Au cours de l’entretien, Marcel Nézaire explique comment l’agriculteur français peut moderniser son exploitation et être compétitif face à la concurrence étrangère essentiellement britannique et nord-américaine. Il indique également que l’une des grandes différences entre l’exploitant nord-américain et l’exploitant français réside dans la capacité des premiers à « prendre des risques » économiques en termes d’investissements en particulier. Les agriculteurs doivent français donc sortir d’un archaïsme séculaire et envisager l’exploitation comme une entreprise agricole dont l’exploitant doit recevoir une véritable formation intellectuelle, technique et professionnelle. Les lois d’orientation agricole de 1960-1962 ont permis une réorganisation de l’enseignement agricole afin d’accompagner ces mutations. Ainsi, les diplômes de l’enseignement agricole devinrent équivalents avec ceux de l’enseignement technologique dispensé dans les établissements publics.

Ressources complémentaires :

Bibliographie

Maurice Desrier, L’agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits d’exploitations uniques, Paris, Agreste, 2007.

Henri Mendras, La fin des paysans, innovations et changements dans l’agriculture française, Paris, S.E.D.E.I.S, 1967.

Louis Armand, Jacques Rueff et autres, Rapport sur les obstacles à l’expansion économique, Paris, Novembre 1959.

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