Lâappel du 18 juin
Extraits du dossier de soumission de lâAppel du 18 juin 1940 pour une inscription au Registre MĂ©moire du Monde de lâUNESCO,
21 juin 2004 (acceptation en 2005)
REGISTRE MEMOIRE DU MONDE
LâAppel du 18 Juin 1940
REF N° 2004-24
PARTIE A â INFORMATIONS ESSENTIELLES
- RESUME
Le dossier proposĂ© Ă lâinscription au Registre « MĂ©moire du Monde » est consacrĂ© Ă lâAppel du 18 juin 1940. Il comporte quatre documents considĂ©rĂ©s comme les tĂ©moignages clĂ©s de lâĂ©vĂ©nement : le manuscrit du texte de lâAppel radiodiffusĂ© du 18 juin, lâenregistrement radiophonique de lâAppel du 22 juin, le manuscrit de lâaffiche du 3 aoĂ»t et lâaffiche elle-mĂȘme.
LâAppel du 18 juin est lâune des plus fortes expressions de lâhistoire de la radio. La radiodiffusion nâest plus seulement un outil de divertissement ou de propagande Ă la disposition du pouvoir en place, câest dĂ©sormais un moyen technique qui permet Ă un homme isolĂ© de lancer au-delĂ des frontiĂšres un grand mouvement de rĂ©sistance, dâappeler ses concitoyens Ă refuser la domination, lâasservissement, et Ă lutter pour la restauration des libertĂ©s. La puissance et lâuniversalitĂ© du mĂ©dium sont par lĂ reconnues.
Lâappel du 18 juin a contribuĂ© Ă donner Ă la radio ses lettres de noblesse. Moins de vingt ans aprĂšs sa crĂ©ation. lâoutil radio a non seulement permis de donner corps Ă une initiative de lutte contre lâoppression, mais aussi de secrĂ©ter une archive historique. Au regard de lâhistoire, ce document sonore est dâune portĂ©e aussi puissante que les moyens traditionnels de diffusion et dâexpression de la pensĂ©e humaine, que sont lâimprimĂ© ou la presse.
Â
- Année de soumission : 2005
- AnnĂ©e dâinscription : 2005
- Pays : France (INA) et Royaume-Uni (BBC)
3.2 Le manuscrit de lâappel du 18 juin
Il sâagit du texte manuscrit de lâappel diffusĂ© sur les ondes de la BBC, le 18 juin 1940.
LâauthenticitĂ© est attestĂ©e par une mention manuscrite et autographe du gĂ©nĂ©ral de Gaulle en marge du verso du 2e  feuillet « Manuscrit authentique de mon appel du 18 juin 1940. C. de Gaulle » ainsi que par une carte de visite manuscrite de Madame de Gaulle, recto-verso : « Manuscrit de lâappel du 18 juin (qui est Ă la B. de F. Ă Chaumont). Ce manuscrit mâa Ă©tĂ© remis par le GĂ©nĂ©ral, Ă Londres, le 19 juin 1940. Il mâa dit âConservez prĂ©cieusement ces manuscrits. Si je rĂ©ussis, ils feront partie du patrimoine de nos enfantsâ. Le GĂ©nĂ©ral Ă©crivait alors avec un porte plume, mais par la suite, Ă ma demande, il a authentifiĂ© le manuscrit en Ă©crivant avec son porte plume rĂ©servoir. »
Le manuscrit et la carte de visite ont Ă©tĂ© remis Ă lâamiral Philippe de Gaulle par sa mĂšre en septembre 1978.
- MOTIVATIONS DE LâINSCRIPTION SUR LE REGISTRE/ EVALUATION SUR LA BASE DES CRITERES DE SELECTION
Â
4.1 LâauthenticitĂ©
Enregistrement radio : lâauthenticitĂ© de lâenregistrement original est attestĂ©e par les mentions portĂ©es sur lâĂ©tiquette du disque, son rĂ©fĂ©rencement dans le catalogue des archives sonores de la BBC, le texte, identique Ă celui citĂ© par le GĂ©nĂ©ral de Gaulle dans ses discours et messages, le timbre de la voix aisĂ©ment reconnaissable. Il subsiste Ă notre connaissance deux « copies originales » de lâenregistrement. Lâune est Ă lâINA, lâautre copie est conservĂ©e aux archives de la BBC.
Manuscrit de lâappel du 18 juin : lâauthenticitĂ© est attestĂ©e par la mention portĂ©e par le GĂ©nĂ©ral de Gaulle « Manuscrit authentique de mon appel du 18 juin 1940 », le tĂ©moignage de son Ă©pouse Ă qui le manuscrit avait Ă©tĂ© confiĂ© Ă Londres le 19 juin, par le tĂ©moignage de lâAmiral Philippe de Gaulle qui dĂ©tient actuellement le manuscrit dans son ouvrage De Gaulle, mon pĂšre
Manuscrit de lâaffiche : LâauthenticitĂ© est attestĂ©e par son rĂ©fĂ©rencement dans le Catalogue du MusĂ©e de lâOrdre de la LibĂ©ration. Cinquantenaire de lâOrdre. 1990 (page 593)
4.2 LâintĂ©rĂȘt universel et le caractĂšre unique et irremplaçable
LâĂ©vĂ©nement auquel se rapportent ces trois documents a eu une portĂ©e considĂ©rable sur le dĂ©veloppement de la seconde guerre mondiale, non seulement pour la France mais aussi pour toutes les puissances engagĂ©es.
4.3 CritĂšres (a) de lâĂ©poque, (b) du lieu, (c) des personnes, (d) du suret et du thĂšme, (e) de la forme et du style
LâĂ©poque : ces documents sont doublement emblĂ©matiques de leur Ă©poque : ils sâinscrivent au cĆur du conflit qui se dĂ©veloppe et contribuent Ă lâinflĂ©chir ; le recours Ă la radio pour transmettre lâappel traduit bien la maturitĂ© acquise par le medium en 1940.
Les personnes : le gĂ©nĂ©ral de Gaulle est bien lâune des figures majeures de la pĂ©riode. Lâappel du 18 juin marque son entrĂ©e dans la vie politique et dans lâhistoire. Câest aussi lâun des premiers hommes politiques Ă avoir su utiliser Ă son profit les nouveaux moyens de communication de masse.
Le sujet : Lâesprit de rĂ©sistance est un thĂšme universel qui transcende les frontiĂšres et les Ă©poques
La forme et le style : Lâexpression radiophonique constitue une nouvelle forme de rhĂ©torique politique, mĂȘme si le phrasĂ© de lâappel du 22 juin reste encore trĂšs proche de celui dâune lecture.
4.4 Questions de raretĂ©, dâintĂ©gritĂ©, de menace et de gestion
Outre les raisons invoquĂ©es ci-dessus, lâinscription dâun enregistrement radio au Registre MĂ©moire du Monde se justifie parce que le patrimoine radio est un patrimoine fragile. Ce patrimoine colossal, Ă©valuĂ© Ă plusieurs dizaines de millions dâheures, qui porte une partie essentielle de la mĂ©moire de lâhumanitĂ© des soixante derniĂšres annĂ©es, risque de disparaĂźtre. Il ne peut survivre que sâil est conservĂ© dans des conditions climatiques adaptĂ©es, sâil est rĂ©pertoriĂ©, sâil est transfĂ©rĂ© sur des supports modernes propres Ă garantir sa pĂ©rennitĂ©.
Présentation
     Le cĂ©lĂšbre appel du 18 juin 1940 du gĂ©nĂ©ral de Gaulle apparaĂźt comme un Ă©lĂ©ment fondateur de la France Libre durant la Seconde Guerre mondiale. PrononcĂ© le 18 juin, il nâa Ă©tĂ© en rĂ©alitĂ© que trĂšs peu entendu. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle est alors un inconnu et personne ne savait quâil allait prendre la parole Ă la radio. Le pays Ă©tait alors dans la tourmente des combats et de la dĂ©bĂącle, et lâannonce dâun armistice avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© faite la veille. Le discours nâest mĂȘme pas enregistrĂ©. Celui que lâon connaĂźt aujourdâhui, que lâon peut facilement Ă©couter sur internet, est lâappel du 22 juin, le jour de la signature de lâarmistice franco-allemand dans la forĂȘt de CompiĂšgne. La seule trace fidĂšle quâil reste de ce discours est une retranscription Ă©crite en allemand par les services dâĂ©coute suisses.
Contextualisation
      Lorsque le gĂ©nĂ©ral de Gaulle arrive Ă Londres le 17 juin 1940, il Ă©met la volontĂ© de pouvoir prendre la parole Ă la radio, sur les ondes de la BBC, dĂšs lâannonce dâune demande dâarmistice par la France. MalgrĂ© certaines rĂ©ticences au sein du gouvernement britannique, Churchill donne son accord. Câest le mĂȘme jour, le 17 juin 1940 Ă 12h30 que le marĂ©chal PĂ©tain, dĂ©sormais Ă la tĂȘte du gouvernement français, annonce dans un discours radiophonique : « Je me suis adressĂ© cette nuit Ă lâadversaire pour lui demander sâil est prĂȘt Ă rechercher avec moi, entre soldats, aprĂšs la lutte et dans lâhonneur, les moyens de mettre un terme aux hostilitĂ©s. ». Comme convenu avec le Premier ministre britannique, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle sâexprime le lendemain sur les ondes de la BBC. Le discours est minutieusement prĂ©parĂ©.
     MĂȘme s’il a Ă©tĂ© peu entendu, ce discours marquant apparaĂźt donc comme primordial dans la naissance de la France Libre et, ainsi, dans le rĂŽle quâelle a jouĂ© dans la Seconde Guerre mondiale, ce qui motive le choix de la France et du Royaume-Uni de soumettre le discours de lâappel du 18 juin 1940 au registre « MĂ©moire du monde », lâintĂ©grant au patrimoine documentaire, et donc immatĂ©riel, protĂ©gĂ© et mis en valeur par lâUNESCO. Le discours y est finalement inscrit le 18 juin 2005.
Analyse
Le discours du 18 juin apparaĂźt comme une rĂ©ponse au discours du marĂ©chal PĂ©tain de la veille, dans lequel ce dernier demande lâarmistice. Le choix des mots est minutieux. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, critiquant Ă©galement les stratĂ©gies militaires françaises dĂ©passĂ©es, parle par exemple dâun appel à « cesser le combat » par le gouvernement PĂ©tain et non dâun armistice : « cesser le combat » nâapparaĂźt dĂšs lors ni comme la fin de la guerre ni comme une capitulation de lâarmĂ©e.
           Aux yeux du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, rien nâest perdu, le conflit nâĂ©tant pas limitĂ© « au territoire malheureux de notre pays », il insiste sur le fait que « cette guerre est une guerre mondiale ». « La France nâest pas seule ! », insiste le gĂ©nĂ©ral, qui compte Ă la fois sur lâempire colonial français dont il espĂšre le ralliement et les alliĂ©s de la France.
           La machine Ă Ă©crire ayant servi Ă sa rĂ©daction se trouve aujourd’hui dans le bureau du gĂ©nĂ©ral de Gaulle au 5 rue de SolfĂ©rino, siĂšge de la Fondation Charles de Gaulle.