Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat. 

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi. Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non ! Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des
Etats-Unis.
Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force  mécanique, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.
Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres.

Titre : L’appel du 18 juin 1940

Source : Jean-Louis Crémieux-Brilhac, L’appel du 18 juin. Et les appels du général de Gaulle des mois de juin et juillet 1940, Paris, Armand Colin, 2010

© Editions Armand Colin

Cet appel a été lu le lendemain de l’arrivée à Londres du général de Gaulle. Il est une réponse à l’allocution du maréchal Pétain qui, la veille, abordait l’armistice sur les ondes françaises. Objet de relectures et réécritures en concertation (voire opposition) avec le gouvernement britannique, cet appel diffusé sur les antennes de la BBC est aujourd’hui considéré comme l’acte fondateur de la Résistance française. Aucun enregistrement de cette exhortation à poursuivre le combat n’a pourtant été conservé. Mais l’urgence de cette prise de parole radiophonique inédite et les choix des mots, maintes fois modifiés, justifient que l’Histoire ait retenu ce premier appel gaullien.

Ressources complémentaires :

Bibliographie

De Gaulle, la France et la littérature, La Revue les Temps modernes, Paris, Gallimard, 2010/5 n°661.

Sudhir Hazareesingh, Le mythe gaullien, collection la suite des temps, Paris, Gallimard, 2010, 280 p.

Thuriane Seveno , « Les « Mémoires de guerre » du général de Gaulle : une contribution à la construction du grand homme », Mots, 1992, vol 32, n°1, pp. 49-65.

Share This