Le veto à l’adhésion britannique en 1967
Présentation
C’est par l‘exercice de la conférence de presse que de Gaulle apprécie tant, que le second veto français à l’adhésion britannique est annoncé au monde entier le 16 mai 1967. L’exercice de la conférence de presse est un rituel attendu et se veut être un rendez-vous direct, sans contrainte et solennel avec les Français. Les boutades et les « petites phrases » du général de Gaulle en font un bon moment de télévision. La conférence est entièrement préparée et ne laisse aucune liberté aux journalistes. Assis derrière un bureau vide encadré de deux lourds rideaux dans la salle de presse de l’Elysée, Charles de Gaulle, dominant le parterre des journalistes, explique son point de vue. Il présente d’abord les motivations du veto français à l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE puis l’historique de ses demandes d’adhésion qui amènent inexorablement au veto.
Contextualisation
L’histoire de l’adhésion du Royaume-Uni à la CEE est une histoire compliquée. Jusqu’en 1961, date de sa première demande d’adhésion à la CEE, le Royaume-Uni s’est tenu à l’écart de l’intégration européenne, afin de préserver sa souveraineté nationale et ses liens privilégiés avec le Commonwealth et les Etats-Unis. Même s’il est dévasté économiquement après la Seconde Guerre mondiale, son statut de pays vainqueur lui donne l’impression d’être en position de force. Or la réalité est différente puisqu’il dépend de l’aide économique et du soutien diplomatique des Etats-Unis. Le Royaume-Uni n’apprécie pas le caractère supranational du système européen, c’est à dire « les règles rigoureuses et les dimensions déterminées » de la CEE.
Pourtant, ce dernier formule sa candidature, un an après la naissance de l’AELE, l’Association européenne du libre-échange, entre sept pays européens non membres du Marché commun dont elle est le « leader ». Cette attitude surprend le général de Gaulle qui prononce unilatéralement un veto sans aucune courtoisie à la conférence de presse du 14 janvier 1963. La « question d’une « atlantisation » possible de l’Europe et l’acquisition par le Royaume-Uni des missiles américains Polaris en décembre 1962 motivent principalement le refus. Ce veto est admis par les partenaires européens car le gouvernement conservateur d’Harold Macmillan semble remettre en cause les traités communautaires. Les négociations selon de Gaulle sont alors « impossibles ».
Analyse
Selon Charles de Gaulle, devant ce refus, le gouvernement conservateur britannique resserre ses liens avec le Commonwealth et se concentre sur sa zone de libre-échange.
Pourtant, après la grande victoire travailliste aux élections de mars 1966, qui amène un « nouvel état d’esprit », une relance de la candidature britannique anglaise menée par Harold Wilson prend sens. Ce dernier considère que l’économie britannique ne peut se développer que dans le cadre de la CEE car elle dépend plus du Marché commun que de l’AELE ou du Commonwealth qui voit d’ailleurs l’aggravation de la crise économique de l’ex-empire britannique. De plus, l’opinion publique britannique est favorable à l’adhésion.
Pourtant, de Gaulle refuse une seconde fois l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE. Il l’explique, le 16 mai 1967, en trois points inflexibles et invariables depuis quatre ans.
Tout d’abord, par ses conditions géographiques déterminantes, l’« Angleterre » ne possède pas de continuum territorial avec la CEE, elle est une île. C’est cette insularité qui amène à la deuxième cause qui est une cause économique. Le Royaume-Uni est inséré historiquement dans le Commonwealth et lié aux Etats-Unis. De Gaulle ne peut accepter son entrée, considérant cet Etat si atlantiste comme le « cheval de Troie » des États-Unis. La vision anglaise de l’Europe est ainsi en contradiction totale avec celle de la France qui en 1966, sort du commandement intégré de l’OTAN. Le Royaume-Uni doit selon de Gaulle se détacher des Etats-Unis et du Commonwealth pour entrer dans l’Europe.
Le dernier point évoqué est plus technique, le Royaume-Uni demande des délais et des changements notamment dans le cadre de la PAC. La possibilité d’un statut particulier est impossible à mettre en œuvre. Les « obstacles à franchir » sont donc « formidables ».
Ce « veto de velours » est difficilement accepté. Wilson déclare cependant ne pas remettre en cause les traités communautaires mais il porte un coup d’arrêt important à l’aventure européenne.
Ressources complémentaires :
Bibliographie
Gérard Bossuat, « De Gaulle et la seconde candidature britannique aux Communautés européennes (1966-1969) », dans Loth Wilfried (dir.), Crisis and Compromises : The European project, 1963-1966, Baden-Baden, Nomos Varlag, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 511-539.
Philippe Chassaigne, La Grande-Bretagne et le monde de 1815 à nos jours, Paris, Colin, 2003.
Françoise de La Serre, « De Gaulle et la candidature britannique face aux Communautés européennes, dans De Gaulle en son siècle, t. 5, l’Europe, Paris, Plon, 1992.
Christopher Johnson, « De Gaulle face aux demandes d’adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE », dans De Gaulle en son siècle, t. 5, l’Europe, Paris, Plon, 1992.
Pauline Schnapper, La Grande-Bretagne et l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 1999.
John Young, Britain, France and the Unity of Europe, Leicester, UP, 1984.
Sitographie
Site Charles de Gaulle – Paroles publiques : https://fresques.ina.fr/de-gaulle/fiche-media/Gaulle00129/conference-de-presse-du-16-mai-1967.html