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Le quatrième Plan privilégia les équipements collectifs et programma une expansion de 24 % en quatre ans. Nous avons vu qu’en dépit de la rigueur qu’on s’imposa en 1958, on avait voulu accroître, sans attendre, les dépenses d’équipement ; ce choix fut donc maintenu. Les crédits d’investissement dans le budget de l’Etat, entre 1958 et 1962, augmentèrent de 44 %, les prêts du Trésor de 42 %, les crédits pour les autoroutes, les routes, les ports et les aéroports de 76 %, ceux pour les constructions scolaires de 45 %, ceux pour le logement et l’urbanisme de 56 %. Au total, les dépenses d’équipement augmentèrent de 51 %. De Gaulle put dire, dans une conférence de presse du 16 mai 1967 : « Depuis 1958, notre effort d’investissements publics, évalués en francs constants, a doublé pour la construction de logements et pour les affaires culturelles, triplé pour l’éducation nationale, quintuplé pour l’infrastructure en fait de routes, de ports, de canaux, de terrains d’aviation, décuplé pour la santé publique et pour les sports, et pour la recherche il a été multiplié par seize.

C’est à partir de cet effort d’équipement – plus grand qu’en toute période de l’histoire économique de la France – que le cinquième Plan put donner la priorité au développement des structures industrielles du pays – avant que les événements de mai 1968 ne compromettent son achèvement.

Dans ce climat d’expansion, il était normal que l’on conçoive les grands programmes d’équipement et d’investissement auxquels on n’avait pu penser dans la période antérieure. Ils s’accumulèrent pour les ports, les autoroutes, l’aéroport de Roissy, les villes nouvelles de la région parisienne – redécoupée en nouveaux départements -, la recherche, l’avion supersonique, les « schémas directeurs » des grandes villes, les « agences de bassin », l’informatique et l’énergie nucléaire, le pétrole, l’espace, l’aménagement du centre de Paris après le transfert des Halles à Rungis.

Dans cet extraordinaire foisonnement, il était probablement inévitable qu’il y ait eut des dépassements exagérés, des erreurs et des échecs : il y en eut relativement peu. Faute d’avoir procuré à temps les moyens de son développement à la société Bull, on se lança dans un « plan calcul » plus coûteux. Bien que de Gaulle ait posé des questions précises sur les performances, les capacités et le marché futur du « Concorde », les réponses furent assez approximatives pour que les Français et Britanniques se lancent dans sa construction […] et qu’ils dépassent les investissements prévus : ce fut, au total, une réussite technique, compromise par l’hostilité de l’administration américaine et la crise pétrolière des années soixante-dix.

Titre : Les effets sans précédents de la planification

Source : Paul-Marie de la Gorce, Charles de Gaulle : 1945-1970, tome 2, chapitre 9, pp. 392-393, Paris, Nouveau Monde Editions, 2008

© Nouveau Monde Editions, 2008

Présentation et contexte

Ce document est un extrait de l’œuvre colossale (1400 pages) que Paul-Marie de la Gorce (1928-2004) a consacré au général de Gaulle dès 1964 et dont il acheva le travail en 1999. Cette dernière version, plus aboutie, tenait compte de tous les travaux parus sur le Général depuis sa disparition.

Paul-Marie de la Gorce fut journaliste au journal mensuel Le Monde Diplomatique, supplément au quotidien Le Monde, fondé en 1954. Il fut également conseiller de Pierre Mesmer lorsqu’il fut 1er  ministre de Georges Pompidou de 1972 à 1974.

Cet ouvrage, édité en 2 tomes, est digne d’intérêt par la personne et les engagements de l’auteur. Refusant la défaite de 1940 et abhorrant le régime Vichyste il s’engagea dans la résistance dès le 18 juin 1940 malgré son âge (14 ans). Sa vie politique fut marquée par cette fidélité au Général qui ne le quitta pas. Il adhéra au courant gaulliste de gauche qu’il continua de défendre comme journaliste au Monde Diplomatique. Il est également un acteur gaulliste d’importance en étant le premier auteur à avoir rédigé une biographie du général de Gaulle de son vivant (1964) à la suite d’une série d’entretiens individuels mais « sans jamais tomber dans la déférence » dit de lui Jérôme Klein dans un compte-rendu de lecture de la dernière version de l’ouvrage publiée dans la Revue de politique étrangère en 2001. Cette ultime version a été republiée à plusieurs reprises jusqu’en 2013.

Analyse

Dans ce court extrait, Paul-Marie de la Gorce présente l’action du Général dans divers domaines c’est le cas pour les infrastructures de transport qui permirent d’ouvrir la France sur son territoire grâce à des programmes de construction d’autoroutes mais il évoque également d’autres programmes ayant fait entrer la France dans une ère moderne, en particulier dans les domaines industriels et technologiques. L’auteur liste les succès qui ont émaillés la présidence gaullienne après le lancement du IVème plan en 1962 comme le projet Concorde ou Bull pour l’informatique. En effet, l’avion supersonique Concorde devait symboliser la maîtrise de l’industrie aéronautique française et d’une avionique de haut niveau. Cet avion était capable de voler à une vitesse supérieure à celle du son et utilisait des technologies déjà éprouvées dans l’aviation militaire. Symbole de l’ouverture européenne de la France, ce programme associa deux projets, le projet britannique De Haviland Comet et le projet français Super Caravelle. La fusion de ces deux programmes fut célébrée le 29 novembre 1962. Le premier exemplaire du Concorde fut achevé dans les usines de Toulouse en 1967. Le succès de ce programme aurait pu être total sans l’hostilité (et la concurrence) des américains et bien entendu les crises pétrolières qui rendirent les coûts d’exploitation de ce bijou technologique trop onéreux après 1979 scellant le sort du programme industriel malgré une survivance jusqu’en 2001.

Dans cet extrait l’auteur évoque implicitement un autre programme symbolique de la période gaullienne, il s’agit du « plan calcul »  puisqu’il cite l’entreprise Bull. Le général de Gaulle était soucieux de l’indépendance de la France dans le domaine de l’informatique. Or, en 1964, Bull, le seul constructeur informatique français est racheté par l’américain Général Electric. En février 1966, le général de Gaulle et son Premier ministre, Georges Pompidou, donnent leur accord pour mettre en oeuvre une grande politique visant à doter la France d’une industrie informatique digne de ce nom. Ce fut le « plan Calcul » lancé en septembre 1966. Il fut à l’origine de la CII (Compagnie Internationale pour l’Informatique) qui devait être conçue comme un « Airbus de l’informatique » (Airbus étant le consortium qui assemblait le Concorde) et concurrencer les géants américains comme IBM ou Texas Instrument. La CII finit par être absorbée par Bull en 1975. La société Bull née en 1921, prit son essor après la Seconde Guerre mondiale jusqu’à employer 15 000 personnes en 1964 date à laquelle elle était le deuxième constructeur informatique mondial derrière l’américain IBM.

L’action du général de Gaulle et de ses gouvernements successifs ne s’arrêta pas à l’industrie ou à la haute technologie puisqu’en lançant la DATAR le Général souhaitait participer à la modernisation du pays et ses infrastructures, outils indispensables à la modernisation de l’économie dans un contexte de mondialisation. La DATAR, en permettant un rééquilibrage des territoires grâce à des aménagements ciblés. Elle devait permettre aussi l’ouverture au monde avec des aménagements portuaires compétitifs comme le port de Fos créé entre 1964 et 1968 qui devait permettre d’accueillir des supertankers alors que le port de Marseille n’était plus adapté pour les hydrocarbures au niveau mondial.

L’analyse ci-dessus n’est pas exhaustive tout comme la liste des programmes lancés sous la présidence du général de Gaulle.

Ressources complémentaires :

Sitographie

Pages consacrées aux IVème et Vème plan de modernisation de l’économie sur le site de France Stratégie, héritière du Commissariat Général au Plan fondé en 1946 à l’initiative du général de Gaulle et de Jean Monnet qui en fut le premier commissaire :

– le IVème plan : http://www.strategie.gouv.fr/actualites/quatrieme-plan-de-developpement-economique-social#_ftn1

– le Vème plan : http://www.strategie.gouv.fr/actualites/cinquieme-plan-de-developpement-economique-social

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