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9 juin 1967

Mon cher Premier ministre,

J’ai retenu de notre entretien du 19 mai que les souhaits et les projets de M. Malraux, quant Ă  la politique de la culture, sont justifiĂ©s et que les moyens dont dispose le ministĂšre d’Etat doivent en consĂ©quence ĂȘtre réévaluĂ©s. Le moment vient, en effet, oĂč il convient que notre rĂ©gime fasse valoir plus nettement la culture française Ă  tous les Ă©gards.

Je vous demande de veiller Ă  ce que, dĂšs le budget de l’annĂ©e prochaine, il soit mĂ©nagĂ© Ă  ce dĂ©partement ministĂ©riel une part plus notable des moyens financiers de l’Etat, tant pour le renforcement de son appareil administratif que pour l’accomplissement des objectifs du Plan.

J’ajoute que l’intention manifestĂ©e par M. Malraux d’implanter sans tarder, Ă  Belleville, une maison de la culture exemplaire, pour autant que les fonds supplĂ©mentaires indispensables Ă  cette entreprise lui soient accordĂ©s, est certainement Ă  entĂ©riner. […]

Titre : Lettre de De Gaulle à Pompidou du 9 juin 1967

Source : Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets, tome 11, Paris, Plon, 1987

© Editions Plon, 1987

Présentation

Courrier adressĂ© par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle Ă  Georges Pompidou, son Premier ministre, le 9 juin 1967  dans la cadre de la prĂ©paration de la loi de finances pour le budget de l’annĂ©e 1968, en vue de permettre une augmentation des dĂ©penses du ministĂšre des Affaires culturelles créé en juillet 1959.

Analyse

Le dernier paragraphe permet d’aborder un exemple concret d’action culturelle initiĂ©e par le ministre Malraux et soutenue par De Gaulle : la crĂ©ation des Maisons de la Culture (ici celle de Belleville). A l’origine, leur crĂ©ation rĂ©pondait Ă  deux prĂ©occupations majeures : la premiĂšre, inspirĂ©e par Jeanne Laurent notamment au lendemain de la LibĂ©ration, visait Ă  rompre avec le privilĂšge gĂ©ographique de Paris oĂč se concentrait l’essentiel de la vie culturelle et celui de l’argent qui rĂ©servait l’accĂšs Ă  certaines formes de culture Ă  une minoritĂ© aisĂ©e (ainsi, en 1960, Paris Ă©tait la ville comptant le plus de théùtres au monde mais seuls 200 000 Parisiens les frĂ©quentaient) ; la seconde, artistique, porte davantage la marque de Malraux. Les Maisons de la Culture furent prĂ©sentĂ©es par Malraux et ses collaborateurs (notamment Pierre Moinot devant la Commission de l’équipement culturel et du patrimoine du IVĂšme Plan) comme des Ă©tablissements permettant de dĂ©mocratiser la culture Ă  la fois en assurant au profit du plus grand nombre la diffusion d’Ɠuvres capitales, en favorisant la production artistique et en facilitant le rencontre entre les crĂ©ateurs et le public. En 1969, 9 maisons ont Ă©tĂ© ouvertes et 9 autres sont en chantier.

De Gaulle s’est peu exprimĂ© sur les problĂšmes culturels et encore moins sur les Maisons de la culture. Le courrier montre cependant Ă  la fois qu’il est informĂ© (dans le cadre d’une relation particuliĂšre avec Malraux) de la politique culturelle menĂ©e et qu’il l’approuve sans rĂ©serve (on note ici une intervention directe –dont il Ă©tait peu coutumier- pour dĂ©bloquer les crĂ©dits nĂ©cessaires), voyant dans le rayonnement des Maisons de la culture un Ă©lĂ©ment de la grandeur de la France. Pour de Gaulle, renforcer la culture en France c’est assurer le rayonnement de la culture française hors de France.

Ressources complémentaires :

Bibliographie 

De Gaulle et Malraux, Actes du colloque organisĂ© par l’Institut Charles de Gaulle, Paris, 13-15 novembre 1986, Fondation Charles de Gaulle, 1987.

De Gaulle en son siĂšcle, Tome 7, De Gaulle et la culture, Actes du colloque organisĂ© par l’Institut Charles de Gaulle, Paris, Unesco, 19-24 novembre 1990, Fondation Charles de Gaulle, 1992.