Ordonnance du 18 octobre 1945 instituant un Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
Présentation
On peut ici rappeler la nature juridique d’une ordonnance. Il s’agit d’un texte législatif mais qui n’est pas issu d’un vote parlementaire. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, pour le GPRF, et dans l’attente de la mise en place de nouvelles institutions par l’Assemblée constituante, les ordonnances sont un moyen de gouvernement efficace, rapide et pratique.
Contextualisation
En tant que président du GPRF depuis juin 1944, le général de Gaulle peut mettre en œuvre une première véritable Défense nationale en prenant diverses mesures qui relèvent à la fois des questions militaires, politiques et stratégiques : une réorganisation du haut-commandement, une unification des trois ministères des armées en un seul ministère, la mise en place d’une année de service militaire (au lieu de deux), l’établissement du SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage) et donc la création du Commissariat à l’Energie atomique (CEA) par une ordonnance du 18 octobre 1945. Il démissionne d’ailleurs le 20 janvier 1946 à la suite d’un vote négatif sur les crédits militaires par l’Assemblée constituante de la IVe République.
Analyse
Le CEA est donc né de la volonté du général de Gaulle alors qu’il s’apprête à quitter le pouvoir. En effet, il est doublement convaincu de l’importance de l’énergie nucléaire. Tout d’abord, les découvertes scientifiques sont parallèles à sa biographie : né en 1890, il « grandit » avec les apports d’Henri Becquerel, d’Ernest Rutherford, de Pierre et Marie Curie ou encore de Niels Bohr. La Seconde Guerre mondiale change toutefois la donne : les brevets européens ne sont pas respectés par les Etats-Unis qui cherchent très vite des applications militaires. Dans ses Mémoires de guerre, le général de Gaulle indique d’ailleurs avoir été informé des travaux de Robert Oppenheimer et d’autres physiciens bien avant l’utilisation de deux bombes atomiques en août 1945. Il n’en demeure pas moins que ces « effroyables engins » font surgir chez lui « le désespoir en voyant paraître le moyen qui permettrait aux hommes de détruire l’espèce humaine. » Mais, devenu homme d’Etat, il a aussi et surtout conscience que la possession de l’arme atomique qui alors un monopole des Etats-Unis change la donne dans la reconstruction du monde d’après-guerre. Il est évident, pour lui, que la France doit se doter à l’avenir d’une force nucléaire militaire (voire civile) autonome et indépendante. Plus généralement, l’indépendance nationale passe par des outils scientifiques et technologiques.
C’est tout le sens de l’exposé des motifs de l’ordonnance : « De pressantes nécessités d’ordre national et international obligent à prendre les mesures nécessaires pour que la France puisse tenir sa place dans le domaine des recherches concernant l’énergie atomique. » La création du CEA répond donc à cette volonté de donner à la France libérée son indépendance et ainsi de ne pas dépendre du parapluie américain et/ou britannique à terme. Le CEA est doté d’une autonomie administrative (articles 2 et 3) et financière (articles 5, 6 et 7) tout en dépendant directement du Gouvernement (articles 1 et 4) quant à son organisation industrielle et ses ambitions.
Ressources complémentaires :
- Institut Charles de Gaulle : L’Aventure de la bombe. De Gaulle et la dissuasion nucléaire. 1958-1969, Plon, 1985.
- https://www.cea.fr/Pages/le-cea/histoire-creation-CEA.aspx