Photographie du Général à la Boisserie

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Présentation 

Cette photographie en noir et blanc, probablement fixée sur pellicule avant d’être développée, illustre une scène de la vie familiale somme toute très banale du général de Gaulle. Ce dernier est assis sur un fauteuil pliant, dans son jardin de la Boisserie, en compagnie de sa fille Elisabeth et de son gendre Alain de Boissieu.

Contextualisation

Si La Boisserie, à Colombey-les-deux-Églises, est le lieu de villégiature du couple de Gaulle dès son acquisition en juin 1934, la famille n’y séjourne au complet que ponctuellement avant-guerre à cause des différentes affectations du lieutenant-colonel. Pourtant aussi souvent que possible, Charles de Gaulle s’accorde à La Boisserie les plaisirs simples de la vie de famille. Après sa démission du GPRF, mais surtout après l’implosion du RPF dans le jeu politique de la IVe République, Charles de Gaulle fait de Colombey-les-deux-Églises son camp retranché d’où il observe avec acuité la vie politique nationale et internationale, tout en rédigeant ses Mémoires de guerre et en se rapprochant des siens. Là est sans doute le lieu central de la « traversée du désert » du Général.

Analyse

« Colombey, c’est la propriété de la Boisserie achetée par la famille du Général en 1934, le village, le paysage de Haute-Marne qu’il affectionnait, le lieu de la traversée du désert » notamment parce que « la Haute-Marne est un département éloigné des centres d’attractivité de la vie politique nationale. Le général de Gaulle s’y est installé (…) car il appréciait la beauté de ces vastes horizons forestiers. Il a appris à aimer la tranquillité et la discrétion de la population à son égard et vis-à-vis de sa famille. Il se considère parmi les siens au sein de cette communauté villageoise, ce que les habitants lui rendent bien. Il y cultive aussi sa conception de la société, fondée sur la prise en compte des besoins collectifs, ce qui le conduit à faire un don en vue de permettre l’achèvement de l’aménagement d’un square. C’est là que le général de Gaulle façonne sa réputation d’homme au-dessus des intérêts particuliers. Le refuge de La Boisserie à Colombey-les-Deux-Églises est, en effet, associé à des étapes essentielles de la vie politique de celui qui se considérait comme incarnant la grandeur de la France, notamment à cette époque de retour aux affaires, en 1958. » Si il est aisé de faire de La Boisserie le lieu reculé où s’exile le général de Gaulle pendant sa traversée du désert, il n’en demeure pas moins vrai que des nuances sont à apporter à cette vision quelque peu caricaturale.

Le Général n’y est pas seul dans le cadre d’une retraite quasi érémitique. À la Boisserie, le Général vit la vie ordinaire du notable rural et chef de famille en compagnie de son épouse et de sa fille cadette Anne, jusqu’au décès de celle-ci le 6 février 1948 dans les bras de son père. Les enfants et petits-enfants viennent régulièrement perturber le calme de la gentilhommière haut-marnaise puisque l’amiral Philippe de Gaulle et son épouse y viennent régulièrement avec leurs enfants Charles (né en 1948), Yves (né en 1951) et Jean (né en 1953) ainsi qu’Élisabeth, la fille du général, accompagné de son époux Alain de Boissieu ; sans oublier les Vendroux, neveux et nièces du couple de Gaulle. C’est finalement dans le cadre de cette « retraite » que Charles de Gaulle retrouve probablement avec grand plaisir ses proches et des valeurs simples qui lui tiennent à cœur : le sens et la primordialité de la famille, la discrétion, l’humilité et le partage.

Même s’il est éloigné de l’épicentre politique, il n’en demeure pas moins proche de nombre de ses anciens fidèles en politique comme par exemple Gaston Palewski ou encore André Malraux qui déjeune ou dîne régulièrement chez les de Gaulle, non sans froisser parfois la maîtresse de maison.

Enfin, La Boisserie entre 1946 et 1958 n’est pas vraiment le lieu d’une « traversée du désert » au regard du général de Gaulle tant il y est absorbé par son monumental travail d’écriture de ses Mémoires de guerre. Et cette « traversée du désert » semble alors bien plus provoquée que réellement subie comme le soulignent les lignes suivantes : « La parution du premier tome des Mémoires de guerre du général de Gaulle fut sans conteste l’événement marquant de la rentrée littéraire de l’année 1954. Le Général avait habilement entretenu l’attente, se retirant à Colombey-les-deux-Eglises après l’échec du RPF et n’apparaissant en public qu’en de rares occasions. Et même quand il se manifestait à Paris, comme pour le rite sacré du 18 Juin au mont Valérien, ou à l’arc de Triomphe lors de la commémoration du dixième anniversaire de la Libération, l’ancien chef de la France Libre se murait dans un silence absolu. Le contraste avec la sortie de son ouvrage n’en fut que plus saisissant. Pendant tout le mois d’octobre 1954, le grand ermite occupa le devant de la scène, notamment en publiant de copieux extraits du livre dans trois numéros successifs de Paris-Match (les numéros du 9-16, 16-23, et 23-30 octobre 1954), dont la circulation hebdomadaire dépassait le million et demi — le Général poussa même la sociabilité jusqu’à ouvrir les portes de la Boisserie aux photographes de Match (numéro du 2-9 octobre 1954). Le public français découvrit ainsi, entre photos de mode parisienne et dernières prises de Gina Lollobrigida, un grand reportage sur Charles et Yvonne de Gaulle dans leur intimité colombéenne.»

Ressources complémentaires :

 

 

Bibliographie 

Mireille Conia, « La guerre vue de Colombey-les-deux-Églises », La France en guerre 1954-1962. Expériences métropolitaines de la guerre d’indépendance algérienne, Paris, Autrement, 2008, pp. 127-136.

Sudhir Hazareesingh, « Un grand événement littéraire », Les Temps Modernes, vol. 661 « De Gaulle, la France et la Littérature », no. 5, 2010, pp. 33-47.

Jean Lacouture, De Gaulle, tome 2, Le politique 1944-1959, Paris, Le Seuil, 1985.

André Malraux, Les Chênes qu’on abat, Paris, Gallimard, 1971.

Frédérique Neau-Dufour, « Yvonne de Gaulle, Geneviève de Gaulle, deux gaullistes de l’intimité », Histoire@Politique, vol. 17, n° 2, 2012, pp. 3-13.

Sitographie 

« Yves de Gaulle, mon grand-père et moi », Paris Match, 12 juin 2016, http://www.parismatch.com/Actu/Politique/Yves-de-Gaulle-Mon-grand-pere-et-moi-992299

Lieu gaullien : la Boisserie

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