Refuser la perspective d’un armistice et sauver l’alliance franco-britannique 16-18 juin 1940
Extrait du discours de guerre de Winston Churchill, prononcé le 18 juin 1940, à la Chambre des Communes
Source : Winston Churchill, Discours de guerre, Paris, Tallandier, 2009, pp. 110-111 – © Tallandier – Téléchargement
Présentation
Le document permet de montrer que, le 18 juin 1940, les perspectives d’un retrait de la France du conflit ne sont pas absolument certaines du point de vue de Winston Churchill. L’action conduite pour partie par Charles de Gaulle auprès des Britanniques laisse espérer chez ceux-ci un possible refus français des clauses d’armistice et dans un cas contraire un recours possible à l’option d’un gouvernement bâti à partir d’un homme résolu dans son refus de la défaite, à la fois militaire et politique : Charles de Gaulle.
Contextualisation
Le nouveau contexte politique et diplomatique doit être rappelé pour restituer le jour clef qu’est le 18 juin dans la nature des relations franco-britanniques.
14 juin 1940 : Paul Reynaud, installé avec le gouvernement français à Bordeaux, envoie son sous-secrétaire d’Etat à la guerre, Charles de Gaulle, à Londres, pour s’assurer du soutien de la marine anglaise en vue d’un transfert du gouvernement français et de forces militaires en Afrique du Nord.
15 juin 1940 : le gouvernement français adresse, dans la nuit du 15 au 16 juin, un télégramme au gouvernement britannique, lui demandant à nouveau de relever le gouvernement français de son engagement du 28 mars 1940 de ne pas négocier ou conclure d’armistice ou de paix séparée avec l’Allemagne nazie.
16 juin 1940 : Charles de Gaulle arrive à Londres dans la matinée via Rennes, Brest et Plymouth. Le trajet s’est effectué en voiture jusqu’à Brest puis à bord du Milan, navire de guerre français. Il prend connaissance du projet initié par Jean Monnet, venu avec l’ambassadeur de France, le rencontrer à son hôtel de Hyde Park. Il s’agit d’une Union franco-britannique complète ; une sorte de « co-souveraineté ». Le cabinet britannique valide ce projet et le sous-secrétaire d’Etat de Gaulle en informe par téléphone son chef à Bordeaux mais le gouvernement français refuse le projet. Charles de Gaulle regagne Bordeaux par avion le soir même. Durant le vol, Paul Reynaud démissionne à Bordeaux. Le Président Albert Lebrun confie au maréchal Pétain la responsabilité de former le nouveau gouvernement. Le général de Gaulle n’a plus ni fonction politique officielle, ni commandement militaire.
17 juin 1940 : le maréchal Pétain annonce à la radio qu’il a demandé les conditions d’un armistice au pouvoir nazi. Le général de Gaulle décolle de Bordeaux (aéroport de Mérignac) pour Londres dans l’avion du général Spears, fidèle de Winston Churchill.
Analyse
La demande des conditions d’un armistice du gouvernement français est effective. Le Royaume-Uni risque de se retrouver seul face à l’Allemagne nazie et à son alliée du 10 juin, l’Italie fasciste. Le Premier ministre britannique s’exprime aux Communes devant les parlementaires qui légitiment son pouvoir démocratique.
La première phrase de cet extrait de son discours laisse entendre que la France va peut-être continuer la lutte et par conséquent repousser les conditions d’un armistice qui seraient trop sévères.
Il qualifie de « traité », la Déclaration franco-britannique du 28 mars 1940, dont par deux fois, Paul Reynaud, qui en fut le signataire, a tenté d’obtenir l’autorisation de s’en délier : le 13 juin à Tours puis par un télégramme du 15 juin adressé à Churchill. Ce dernier affirme qu’il n’a absolument pas donné son accord à toute négociation séparée et que, pour le gouvernement britannique, les négociations, alors en cours, entre le gouvernement Pétain et le pouvoir nazi ne sont pas légitimes.
Il remet en avant la proposition initiée par Jean Monnet et soutenue par le général de Gaulle qui comptent parmi ces « nombreux Français » qui désirent une : « Union franco-britannique avec une citoyenneté commune. » Ce projet a été accepté par le Cabinet britannique mais refusé le 16 juin par le gouvernement Reynaud, à Bordeaux. Winston Churchill laisse pourtant ouverte la porte à la réalisation de ce projet transnational car l’armistice n’est pas encore signé.
La formule « Quoi qu’il advienne en France, avec le gouvernement actuel ou tout autre gouvernement… » indique que Winston Churchill aura des Français à ses côtés, que le gouvernement Pétain refuse l’armistice et continue la guerre ou qu’un nouveau gouvernement français se constitue pour refuser l’armistice accepté par le gouvernement Pétain. Churchill sait pouvoir compter sur le général de Gaulle qui est présent à Londres, avec son accord, et qui est d’un caractère résolu à maintenir la France du côté du Royaume-Uni. Il s’est entretenu avec lui au 10 Downing Street, le 17 juin, à 15 heures. A cet instant, le général de Gaulle est un atout majeur, dépendant d’une décision politique du gouvernement anglais donc de Winston Churchill pour exister politiquement.
Ressources complémentaires
Bibliographie
Winston Churchill, Discours de guerre, Paris, Tallandier, 2009.
Winston Churchill, Mémoires de guerre, Tome 1 – 1919-1942, texte traduit, présenté et annoté par François Kersaudy, Paris, Tallandier, 2013.
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 – l’Appel 1940-1942, Paris, Librairie Plon, 1954.
Christian Destremau, Churchill et la France, Paris, Perrin 2017.
Raymond Krakovitch, Paul Reynaud dans la tragédie de l’histoire, Paris, Tallandier, 1998.
Jean Lacouture, De Gaulle, Le rebelle (1890-1944), Paris, Seuil, 1984.
Sitographie
Pour consulter une analyse précise de la rupture franco-britannique de juin 1940, lire cet article de François Bedarida dans Vingtième Siècle, revue d’histoire, Année 1990 Volume 25 Numéro 1 pp. 37-48, intitulé : La rupture franco-britannique de 1940. Le conseil suprême interallié, de l’invasion à la défaite de la France.
http://www.persee.fr/doc/xxs_0294-1759_1990_num_25_1_2223