Accueil > De l’Appel du 18 juin à la refondation républicaine > Juin 1940 : refuser l'armistice > Se battre politiquement pour sauver l’alliance franco-britannique 5-16 juin 1940

Le cabinet Reynaud remanié le 5 juin 1940

Source : © Roger Viollet – Téléchargement

Présentation

Le document permet de montrer que le technicien militaire s’est mué en responsable politique, sûr de ce qu’il doit faire. Il est un général en uniforme qui tranche parmi les civils du gouvernement. Il regarde le photographe quand les sept autres personnes semblent occupées, ailleurs, en attendant le signal dudit photographe. Le premier conseil des ministres du nouveau gouvernement se tient à l’Elysée, le 8 juin, sous la présidence du président de la République, Albert Lebrun, bien que le titre de Président du Conseil des ministres soit porté par Paul Reynaud, détenteur effectif du pouvoir exécutif.

Contextualisation

Le nouveau contexte militaire et politique doit être analysé pour resituer la nouvelle mission délicate politique, cette fois, confiée au, nouvellement promu, général de brigade de Gaulle.

  • 16 mai 1940 : à Bruyères, au sud-est de Laon, le colonel de Gaulle rédige son ordre d’opération n°1 pour la bataille de Montcornet qui se déroule le 17 mai 1940.
  • 19 mai 1940 : le général Weygand remplace le général Gamelin comme nouveau chef des armées françaises dans la soirée.
  • 20 mai 1940 : les chars allemands atteignent Abbeville et la Manche. Les armées alliées sont coupées en deux.
  • 21 mai 1940 : la 4e DCR du colonel de Gaulle se regroupe au sud de l’Aisne.
  • 23 mai 1940 : le colonel de Gaulle est nommé général de brigade à titre temporaire par Paul Reynaud, Président du Conseil des ministres, avec effet à compter du 1er juin 1940. C’est sur proposition du général Weygand.
  • 28-31 mai 1940 : la 4e DCR participe aux combats pour réduire la tête de pont d’Abbeville au sud de la ville.
  • 1 juin 1940 : le général de Gaulle rencontre le général Weygand au château de Montry, à l’est de Paris, et constate sa résignation à envisager une probable défaite militaire.
  • 3 juin 1940 : le général de Gaulle adresse une lettre au Président du Conseil, Paul Reynaud, pour le conjurer de lui confier une haute responsabilité dans la conduite de la guerre.
  • 4 juin 1940 : fin des opérations de rembarquement des troupes britanniques et françaises à Dunkerque. Toute résistance alliée au nord de la Somme a cessé.
  • 5 juin 1940 : l’armée allemande attaque sur tout le front français qui menace de craquer. Albert Lebrun, Président de la République, sur proposition de Paul Reynaud, nomme le général de Gaulle, Sous-Secrétaire d’Etat à la Guerre dans son gouvernement dans la nuit du 5 au 6 juin.

Analyse

Le cliché atteste de la nouvelle fonction politique de Charles de Gaulle, ardemment désirée, pour enfin peser sur les événements au cœur du pouvoir républicain.

La lettre en 8 points adressée par Charles de Gaulle à Paul Reynaud (le troisième en partant de la gauche, pochette blanche) le 3 juin 1940 est explicite. Son point 3 réfute l’intérêt d’avoir fait entrer au gouvernement le maréchal Pétain et d’avoir confié le commandement en chef au général Weygand, qualifiés « d’hommes d’autrefois » qui « perdent cette guerre nouvelle. » Son point 7 indique la volonté de Charles de Gaulle d’obtenir un poste pour agir et non pour l’affichage : « J’entends agir avec vous, mais par moi-même. » Cette proximité dans le ton à l’égard du Président du Conseil provient de ce que les deux hommes se connaissent. Leur première rencontre date du 5 décembre 1934 ; le général a choisi le député Reynaud pour porter ses idées novatrices en matière d’armée de métier composée d’un important corps de chars d’assaut. Notons qu’en mai 1936, Paul Reynaud est réélu député du 2e arrondissement de Paris avec 27 voix d’avance. Il reçoit deux courriers de Charles de Gaulle : l’un pour l’encourager entre les deux tours et un second pour le féliciter. L’idée de résister à tout prix semble donc les réunir. Pourtant, Paul Reynaud fait entrer au gouvernement deux hommes nouveaux qui refuseront de voter pour la poursuite de la lutte le 16 juin, messieurs Jean Prouvost (à droite de Paul Reynaud) et Albert Chichery (deuxième en partant de la gauche) et il maintient la présence du maréchal Pétain comme Vice-Président du Conseil ainsi que d’autres défaitistes non présents sur la photographie.

Le 6 juin, le général de Gaulle se trouve au Ministère de la Guerre, rue Saint Dominique dans le quartier des ministères, à Paris ; son nouveau bureau. Au premier étage se trouve le bureau du Président du Conseil Reynaud car il cumule cette fonction avec celle de Ministre de la Défense nationale et de la Guerre.  La mission confiée par Paul Reynaud à Charles de Gaulle tient à organiser l’arrière avec son homologue en charge des réfugiés, un certain Robert Schuman, et principalement à assurer la coordination avec Londres pour poursuivre la guerre : « Mais il s’agit (…) de convaincre les Anglais que nous tiendrons, quoi qu’il arrive, même outre-mer s ‘il le faut. Vous verrez M. Churchill. » (cité par Jean Lacouture page 327, voir ressources complémentaires)

Voilà Charles de Gaulle engagé dans une mission délicate. Alors que les défaitistes sont au cœur du gouvernement, il doit lutter contre eux et encourager son chef de gouvernement, tout en demandant de l’aide aux Britanniques qui ont sauvé l’essentiel de leur armée de terre à Dunkerque mais qui, dépouillée de ses équipements, est non-opérationnelle. Il leur reste leur marine et leur aviation. Verbe, conviction et obstination sont les seules armes du sous-secrétaire d’Etat pour maintenir l’alliance franco-britannique à tout prix. Le 9 juin, Charles de Gaulle rencontre pour la première fois Winston Churchill à Londres, au 10 Downing Street. Le Premier ministre britannique lui refuse l’envoi d’avions de chasse britanniques en France mais Charles de Gaulle le trouve être « à sa place de guide et de chef » (Mémoires de guerre tome 1). A son retour à Paris, Charles de Gaulle apprend que le front français a cédé sur la Somme et en Champagne.

Le sous-secrétaire d’Etat n’a plus de temps devant lui pour organiser la défense du pays. Il quitte le Ministère de la Guerre à Paris, vers 23 heures, le 10 juin, pour la Loire et Tours. Le 11 juin 1940, il assiste au Conseil suprême interallié, au Château du Muguet, au nord-est de Briare, en présence de Paul Reynaud et Winston Churchill mais la résignation domine chez les Français, particulièrement Philippe Pétain et Maxime Weygand, Charles de Gaulle fait figure d’exception. Le 13 juin, à la préfecture de Tours, Paul Reynaud demande à Winston Churchill s’il consentirait à délier la France de l’engagement pris le 28 mars 1940 de ne pas négocier ou conclure d’armistice ou de paix séparée avec l’Allemagne nazie. La mission du sous-secrétaire d’Etat prend un tour dramatique car celui qui la lui a confiée paraît disposé à céder aux défaitistes de son gouvernement. Le 14 juin, arrivé à Bordeaux, Paul Reynaud envoie pourtant son sous-secrétaire d’Etat à Londres pour s’assurer du concours des Anglais dans la perspective d’un départ pour l’Afrique du Nord. Deux jours plus tard, Paul Reynaud démissionne entraînant la chute de son gouvernement et la fin des fonctions de son sous-secrétaire d’Etat, Charles de Gaulle.

Ressources complémentaires : 

 

Bibliographie

Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Tome 1 – l’Appel, Paris, Plon, 1954.

Raymond Krakovitch, Paul Reynaud dans la tragédie de l’histoire, Paris, Editions Tallandier, 1998.

Jean Lacouture, De Gaulle, Le rebelle (1890-1944), Paris, Editions du Seuil, 1984.

Sitographie

Pour contextualiser la photographie, une carte de La campagne de France reflétant l’évolution de la situation militaire du 5 au 22 juin 1940 sur le site du Ministère de la Défense :

(Carte réalisée d’après le Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale, Tome 1, sous la direction de Ph. Masson, © Librairie Larousse 1979)

 http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/sites/default/files/editeur/cartedunk2coul_3.pdf

 Pour contextualiser la photographie, le Journal de guerre du Service Cinématographique des Armées du 6 juin 1940 donne une vision peu réaliste de la situation militaire qui est montrée dans les cinémas. ©ECPAD

https://www.youtube.com/watch?v=nLs0ms6I38I

Pour obtenir l’identité complète des ministres présents sur la photo

http://www.charles-de-gaulle.org/espace-pedagogie/

De gauche à droite : MM. Ludovic-Oscar Frossard (ministre des Travaux Publics), Albert Chichery (ministre du Commerce), Paul Reynaud (Président du Conseil, ministre de la Défense nationale et de la Guerre et des Affaires étrangères), Jean Prouvost (ministre de l’Information), André Février (sous-secrétaire d’Etat à l’information), Yvon Delbos (ministre de l’Education), Georges Pernot (ministre de la Famille et de la Santé publique), Charles de Gaulle (sous-secrétaire d’Etat au ministère de la Défense nationale et de la Guerre)

Photo de l’Elysée en 1942 montrant la verrière devant laquelle fut probablement prise cette photo de juin 1940.

http://www.lefigaro.fr/livres/2017/03/30/03005-20170330ARTFIG00131-l-elysee-sous-l-occupation-de-francois-d-orcival-une-coquille-vide.php

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