De Gaulle et la frontière germano-polonaise de 1919 à 1967
Place dans les programmes
Programmes de collége :
- Troisième – Thème 1 : « L’Europe, un théâtre majeur des guerres totales (1914-1945) » dans le cadre du sous-thème 2 : « Démocraties fragilisées et expériences totalitaires dans l’Europe de l’entre-deux-guerres » (BOEN n°11 du 26 novembre 2015).
Programmes de lycée :
-
Première générale – Thème 4 : « La Première Guerre mondiale : le « suicide de l’Europe » et la fin des empires européens » dans le cadre du chapitre 3 : « Sortir de la guerre : la tentative de construction d’un ordre des nations démocratiques » (BO spécial n°1 du 22 janvier 2019).
-
Enseignement de spécialité « Histoire, Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques » – Thème 3 : « Étudier les divisions politiques du monde : les frontières » dans le cadre de l’axe 2 : « Les frontières en débat », jalon : « Reconnaître la frontière : la frontière germano-polonaise de 1939 à 1990, entre guerre et diplomatie » (BO spécial n°1 du 22 janvier 2019).
Objectifs pédagogiques
L’étude des deux missions effectuées par le capitaine de Gaulle en Pologne entre 1919 et 1921 permet d’abord aux élèves de ressaisir les recompositions territoriales issues des traités de paix et les difficultés frontalières suscitées par la renaissance d’une Pologne indépendante. Les tensions entre Berlin et Varsovie relatives à la délimitation de la nouvelle frontière culminent ensuite avec le déclenchement de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie le 1er septembre 1939, tandis que la défaite du Reich conduit à un nouveau découpage marqué par l’évolution des rapports de force en Europe centrale. L’exceptionnelle longévité de la carrière militaire puis politique de Charles de Gaulle constitue enfin une entrée privilégiée pour analyser la persistance du litige frontalier dans le temps à l’occasion du retour du Président français en Pologne en 1967.
Introduction
Dans le premier tome des Mémoires de Guerre publiés en 1954, Charles de Gaulle ne se montre guère loquace sur son activité entre 1919 et 1921, la résumant à la simple incise « mission et campagne en Pologne » parmi l’énumération des fonctions qu’il occupa pendant l’entre-deux-guerres. Aux yeux du Général, cette expérience revêtait vraisemblablement peu d’importance dans l’entreprise de légitimation de son action que constituent les Mémoires. En réalité, cette mission répondait à un « désir […] ardent de faire à nouveau campagne au plus tôt » après une captivité l’ayant privé d’opportunités de se signaler davantage sur les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale. Le capitaine de Gaulle fait donc de son passage en Pologne un tremplin professionnel pour mettre en lumière ses talents de conférencier auprès des officiers français sur place, décrivant avec précision les enjeux géographiques et historiques attachés à la définition des frontières d’une Pologne renaissante par la grâce des traités de paix, sans d’ailleurs se faire trop d’illusions sur la viabilité de la solution retenue. Tenu à l’écart des négociations fixant la nouvelle frontière germano-polonaise en 1945, le Président de Gaulle soutient cependant la ligne Oder-Neisse à l’occasion d’un voyage en Pologne en 1967 qui ne laisse pas d’agacer en RFA, preuve de la persistance de la querelle frontalière bien après la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Problématique
Comment les séjours de De Gaulle en Pologne mettent-ils en lumière les dynamiques diplomatiques et militaires qui pèsent sur le processus de fixation du tracé de la frontière germano-polonaise entre 1919 et 1967 ?
Démarche pédagogique
Les cinq documents proposés permettent de ressaisir les évolutions de la frontière germano-polonaise entre 1919, date du premier séjour du capitaine de Gaulle en Pologne, et 1967, à l’occasion du voyage sur place qu’entreprend ce dernier devenu Président de la République. Compte-tenu de la complexité du sujet, il convient d’abord de débuter l’étude avant 1939 ; en effet, si le programme invite à analyser le processus de reconnaissance de la frontière à partir de l’invasion allemande, cette dernière serait difficilement compréhensible sans étudier au préalable la situation qui résulte du premier conflit mondial et, par extension, le sort fait à la Pologne depuis le premier partage de 1772. Par conséquent, il paraît indispensable de respecter l’ordre chronologique sans lequel les modifications du tracé de la frontière deviendraient vite inexplicables, tant elles dépendent du basculement des équilibres géopolitiques entre Etats voisins.
Mise en activité envisagée
Au lycée
Il apparaît souhaitable de mettre les élèves en activité par petits groupes de manière autonome au cours d’une première séance qui pourrait idéalement avoir lieu en salle informatique. En effet, il est important que les élèves s’attachent à reconstituer par eux-mêmes le processus de fixation du tracé de la frontière germano-polonaise à l’aide des cinq documents choisis comme autant de jalons indispensables à la compréhension d’un sujet dont la relative complexité peut être surmontée par une approche collaborative. La mise en activité générale peut ainsi permettre à l’enseignant de dégager du temps afin d’aider les groupes à reformuler les enjeux principaux en cas de besoin. Par ailleurs, la présence dans le corpus de deux documents audiovisuels rend nécessaire le recours au matériel informatique, tandis que les écarts entre groupes en termes de rythme de travail commandent de pouvoir accéder aux vidéos de manière asynchrone. Enfin, la disponibilité générale des ordinateurs dans les établissements implique que les élèves travaillent en groupe, dans la mesure où il est assez rare – mais pas impossible – de pouvoir disposer d’un poste par personne.
Afin d’organiser au mieux le travail des élèves, la création d’un parcours cartographique multimédia du type storymap est une possibilité intéressante à exploiter, dans la mesure où la plateforme StoryMapsJS est gratuite, même si l’inscription est requise. Cette approche est pertinente car elle permet de croiser cartes, photographies, textes et vidéos, permettant aux élèves d’accéder à toutes les ressources à leur rythme. On peut enfin y ajouter directement la consigne et/ou les questions en fonction des objectifs pédagogiques fixés. Une proposition réalisée par les auteurs de cette séquence est accessible grâce au lien /QR code suivants à titre illustratif (https://uploads.knightlab.com/storymapjs/fed20711829c040581c4c61315e9f573/de-gaulle-et-la-frontiere-germano-polonaise-de-1919-a-1967/index.html)
Au cours de la séance, les élèves sont amenés à prendre connaissance des documents dans l’ordre chronologique puis à répondre à la question posée à chaque étape. Ce travail, réalisé en une heure, doit permettre aux élèves de relever les informations qui leur seront nécessaires pour rédiger une synthèse de groupe en deuxième heure répondant à la problématique de la séquence : comment les séjours de De Gaulle en Pologne mettent-ils en lumière les dynamiques diplomatiques et militaires qui pèsent sur le processus de fixation du tracé de la frontière germano-polonaise entre 1919 et 1967 ? Cette production, menée dans le cadre de l’acquisition/consolidation des capacités et méthodes « Analyser, interroger, adopter une démarche réflexive », « Se documenter » et « Travailler de manière autonome » en enseignement de spécialité, peut être utilement complétée en troisième heure par la construction d’un schéma de synthèse – dont on rappellera les attendus méthodologiques – sur l’évolution de la frontière germano-polonaise de 1939 à 1990 et faire l’objet d’une évaluation. On peut également envisager une variante visant à préparer une prise de parole construite et argumentée à partir de la synthèse écrite, dans une perspective d’entraînement pour l’épreuve orale terminale.
La synthèse devrait faire apparaître les éléments suivants : l’Etat polonais disparaît à la fin du XVIIIe siècle, victime de l’expansion territoriale de ses puissants voisins prussien, autrichien et russe. La Pologne renaît en 1918 à la faveur de la victoire de l’Entente et se voit attribuer un couloir d’accès à la mer à hauteur de Dantzig. Le capitaine De Gaulle souligne au cours de son premier séjour polonais en 1919 les complications induites par le tracé de la nouvelle frontière, qui isole la Prusse orientale du reste de l’Allemagne et qui pose la question du statut des minorités allemandes au sein du nouvel ensemble polonais. Ces questions sont instrumentalisées par Hitler à la fin des années 1930, ce qui débouche sur l’invasion le 1er septembre 1939. Après la guerre, la défaite du Reich et l’avancée des troupes soviétiques entraînent un redécoupage des frontières polonaises : la « ligne Curzon » est adoptée à l’est, amputant le territoire polonais au profit de l’URSS ; en contrepartie, la nouvelle frontière germano-polonaise est fixée sur la « ligne Oder-Neisse », ce qui fait passer d’anciens territoires allemands sous souveraineté polonaise. Cette solution est soutenue dès 1944 par De Gaulle et réaffirmée par le Général lors d’un voyage en Pologne en 1967. Un schéma de synthèse possible est proposé ci-dessous.
Au collège
Si la figure de Charles de Gaulle peut très facilement être un fil rouge du programme d’histoire de 3e, l’histoire longue de la frontière germano-polonaise au XXe siècle est difficilement intégrable. Cependant, on peut tout à fait insister à plusieurs moments sur son importance et exploiter les documents proposés ici. Premièrement, l’étude du traité de Versailles permet d’introduire la reconstruction d’un Etat polonais et de présenter la centralité du tracé de sa frontière avec l’Allemagne pour la suite des événements. La carte de Maurice Fallex en miroir du texte du traité peut être un outil illustratif utile. Il devient alors plus facile d’utiliser l’extrait des actualités de 1939 pour expliquer aux élèves la marche à la guerre à la fin des années trente. Si le programme insiste davantage sur la guerre d’Espagne, on peut mettre la situation du couloir de Dantzig sous la loupe en introduction du chapitre sur la Seconde Guerre mondiale. Un travail intéressant pourrait ainsi consister en la rédaction d’un article de presse sur la situation européenne à l’été 1939, grâce auquel les élèves pourraient saisir l’imbrication de plusieurs facteurs dont la question polonaise fait pleinement partie.
Ressources complémentaires :
Sitographie
« L’Allemagne et ses frontières en 8 cartes », L’Histoire, Cartothèque, 13 mars 2017. En ligne : https://www.lhistoire.fr/carte/lallemagne-et-ses-frontières-en-8-cartes
Bibliographie
Daniel Beauvois, La Pologne des origines à nos jours, Paris, Seuil, 2010.
François Broche, « Les deux séjours du commandant de Gaulle en Pologne (1919-1920) », Espoir, n°146, mars 2006.
Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets, Tome 2 : 1919-1940, Paris, Plon, 1980.
Charles de Gaulle, Mémoires de Guerre, Tome 3 : Le salut 1944-1946, Paris, Plon, 1959.
Christine de Gémeaux, « Les frontières allemandes : un problème continental », Questions internationales, mai-août, n° 79-80, 2016.
Franciszek Draus, La ligne Oder-Neisse et l’évolution des rapports germano-polonais, Fondation pour les études de défense nationale, 1990.
Frédéric Guelton, « Le capitaine de Gaulle et la Pologne (1919-1921) », Charles de Gaulle, la jeunesse et la guerre 1890-1920 [Colloque], Plon, 2001
Jean Lacouture, De Gaulle, le Rebelle, 1890-1944, Tome 1, Paris, Seuil, 1984.
Chantal Morelle, « Charles de Gaulle et la Pologne (1919-1969) », Revue Défense Nationale, vol. 836, no. 1, 2021.
Wojciech Wrzesinski, « L’Allemagne et la Pologne, 1918-1944-2000 », Matériaux historiques de notre temps, n°61-62, La Contemporaine, 2001.